Au 1er janvier 2017, sur les 105 ONG agréées, 35 d’entre elles perdirent le précieux sésame qui leur ouvrait la porte aux cofinancements de la Direction générale Coopération au développement et aide humanitaire (DGD), soit en raison de leur inéligibilité face aux critères quantitatifs minimum désormais requis et vérifiés par l’administration, soit, pour celles qui remplissaient ces conditions, en raison de leur “système performant de maîtrise de l’organisation” jugé non satisfaisant par le cabinet d’audit Deloitte. Au sein de nombreuses ONG, l’exercice du screening a été vécu comme une absurdité bureaucratique et/ou un jeu de dupes.
Si le ministre Alexander De Croo et les membres de son cabinet affirment ne pas mener une politique du “big is beautiful”, l’exclusion d’ONG majoritairement francophones (25 sur les 35) témoigne, à nouveau, d’une tendance à concentrer les moyens sur les plus grosses structures au détriment de la diversité et du renouvellement associatifs et des principes de solidarité. En effet, lorsque l’on regarde les caractéristiques des ONG évincées par le screening, on constate qu’il s’agit en grande majorité d’organisations dont les revenus annuels ne dépassent pas le million d’euros – voire pour un nombre important d’entre elles, les 500 000 euros – et qui mobilisent rarement plus de cinq équivalents temps plein (et souvent moins). Des organisations qui n’avaient pas les capacités de produire les dizaines de documents attendus concernant la gestion des programmes, de la stratégie, des risques, des finances, des ressources humaines, de la communication mais qui menaient des activités pertinentes de conscientisation, de plaidoyer et d’appui à des mouvements et organisations dans le Sud ont ainsi perdu toute légitimité aux yeux de l’autorité publique fédérale.
Les responsables des ONG désormais “accréditées” n’étaient, quant à eux, pas au bout de leurs surprises : le ministre annonça, mi-janvier, sa volonté de réaliser une économie supplémentaire de 120 millions d’euros sur le budget 2017 de la coopération au développement, dont une coupe de 30 millions au niveau des acteurs de la coopération non gouvernementale (ACNG)*. Le ministre brisait ainsi l’accord-cadre – et donc la confiance – conclu avec les représentants de la coopération non gouvernementale en août 2015, déjà marqué par une économie significative de 8,5 %. Cette coupure additionnelle de dernière minute fit l’objet de discussions et de réunions en urgence avec les fédérations et coupoles des ONG, négociations qui ont permis de limiter les dégâts, notamment en réduisant la coupe à 17 millions d’euros pour l’ensemble des ACNG.
Certaines ONG accréditées s’en sortent mieux que d’autres qui voient leur volet d’éducation au développement ou un pays du Sud exclu de leur programme. Pour celles qui sont fortement dépendantes du cofinancement de la DGD, l’heure est à la diversification des sources de financement face à l’insécurité budgétaire des quatre années suivantes et au risque croissant de dépolitisation que comporte cette graduelle mise au pas des ONG aux normes du secteur privé.