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Asie centrale

Société civile et libertés publiques

Depuis 2003, l’espace post-soviétique a été secoué par plusieurs
« révolutions » qui ont conduit au renversement pacifique des élites
en place en Géorgie, en Ukraine, puis au Kirghizstan. Les
interrogations quant aux intentions des acteurs de ces « révolutions » et à la réalité des changements politiques qu’affirment revêtir ces événements, restent un sujet de débat dans les milieux scientifiques. Notre objectif ici n’est pas de commenter la « révolution des tulipes » qui s’est déroulée au Kirghizstan en mars 2005 et a conduit au renversement du président Askar Akaev, en place depuis 1991, ni d’analyser si l’insurrection d’Andijan qui a eu lieu en Ouzbékistan le 13 mai 2005, soit moins de deux mois après les événements kirghizes, doit être considérée comme une « révolution manquée ». Cet article cherche plutôt à s’interroger sur la situation de ce que les associations de défense des droits de l’homme définissent comme la « société civile » et la possibilité d’exercer les libertés publiques auxquelles ont souscrit les Etats d’Asie centrale en signant de multiples traités internationaux. La peur d’une nouvelle « révolution » venue des milieux associatifs et des medias indépendants offre en effet aux pouvoirs en place des arguments en faveur d’un durcissement autoritaire des régimes instaurés lors de l’indépendance de 1991.

Le but de cet article n’est pas de dresser la liste des violations des
droits de l’homme ayant eu lieu dans les cinq Etats d’Asie centrale
(Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan), mais
d’évoquer la difficulté des autorités politiques actuelles, toutes formées à la
période soviétique, à appréhender la question des « libertés publiques »
autrement que sur le mode de la répression. La question de l’émergence
d’une « société civile » dans les anciennes républiques soviétiques est
particulièrement politique et le concept même de « société civile » très
discuté. Sans revenir sur ces débats théoriques, on cherchera ici à noter un
fait majeur pour comprendre les sociétés centre-asiatiques contemporaines : hormis les réseaux familiaux et les factions traditionnelles qui structurent les
sociétés de cette région, celles-ci se distinguent par leur faiblesse
organisationnelle, due tout autant au legs soviétique visant à enrégimenter
des individus qu’à la présidentialisation extrême des pouvoirs actuels. La vie
associative, qui se distinguait, à la période soviétique, par l’obligation de
participer aux activités collectives propageant l’embrigadement idéologique
du régime, n’a connu qu’un faible développement dans les années 1990.
Bien que chacune des républiques présente des spécificités, les cinq États ont
partagé un même schéma d’évolution : les possibilités de liberté d’expression
ou d’association ont été régulièrement remises en cause depuis
l’indépendance et se sont très largement dégradées en quinze ans. A travers
cet exemple, on réfléchira donc aux logiques paternalistes qui dominent
aujourd’hui les rapports entre Etat et société en Asie centrale.

Voir en ligne http://www.strategicsinternational.com/

Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.