Puisque les sciences sociales sont parfois à l’image du politique, et qu’elles suivent des tracés correspondant à la tendance d’un moment ou d’une conjoncture, furent-ils longs ou courts, force est de constater que sociologies, sciences politiques, histoires et anthropologies se sont largement concentrées depuis trente ans sur l’objet « islamisme », en dédaignant parfois l’histoire des autres courants au Moyen-Orient arabe, de gauche, nationalistes arabes, libéraux, qui participent aussi, même de manière parfois minoritaire, aux champs politiques étudiés.
Quoi de plus normal, la vague islamiste ayant construit dans de nombreux pays depuis la révolution iranienne, une véritable hégémonie politique et culturelle, si ce n’est, dans certains cas, une « contre » ou une « alter-société » (Charara, 1997) palliant parfois l’absence d’Etat légitime et reconnu. On remarquera ainsi en sciences sociales l’absence ou la rareté, ces dernières années, d’études sérieuses sur l’état des mouvements de gauche héritiers des formations marxisantes des années 1960 ou 1970, l’état des forces et des luttes syndicales dans certains pays arabes, ou encore l’héritage contrasté et diversifié de ce qu’il reste des nationalismes arabes, baathistes et nassériens.
Dans les années 1960 et 1970, l’engouement militant pour la « révolution palestinienne », « ath-Thoura al-filastiniyyah », dans les camps de réfugiés palestiniens de Jordanie et du Liban, et l’attraction exercée sur une partie de l’extrême gauche européenne par des formations de gauche arabes à l’époque puissamment développées, pouvaient au contraire faire oublier, à tort, l’importance de la variable islamique. Là aussi, les sciences sociales semblaient s’accorder à l’« hégémon » politique et militant, en sous-estimant tout ce qui pouvait, de près ou de loin, s’apparenter à une forme de militance religieuse à caractère politique [1].
Alliances transversales multiples
Ces dernières années ont cependant vu rentrer par la petite porte les courants minoritaires, ceux qui justement ne s’accordent pas tout à fait avec l’hégémonie politique islamiste dominante : qu’on les appelle courants laïques ou de gauche, nationalistes ou séculiers, ils ne s’opposent pourtant pas fondamentalement à l’islam politique, dont ils partagent quelques valeurs fondatrices, en premier lieu ce que nous nommerons « l’idéologie implicite [2] » nationalitaire à caractère tiers-mondiste…
Dans un article synthétique consacré aux alliances entre militants de gauche et islamistes en Egypte, Jordanie et Yémen depuis les années 1990, Jilian Schwedler et Janine Clark notent « qu’à travers tout le Moyen-Orient, des acteurs issus de tout le spectre politique coopèrent d’une manière qui n’a jamais eu de précédent avant l’ouverture démocratique des années 1990 (….) Nombre de groupes islamistes coopèrent de manière régulière avec des militants de gauche, incluant des libéraux, des communistes et des socialistes. Les régimes répressifs restent le premier obstacle à la démocratisation du monde arabe, mais des ouvertures limitées et stratégiques ont pu permettre l’émergence de nouvelles formes de contestation politique » (2006).
Depuis plus de dix ans, les alliances transversales entre la gauche, les nationalismes arabes et les islamistes se basent sur deux questions essentielles : Janine Clark et Jilian Schwedler insistent ici particulièrement sur la problématique démocratique, comme cadre de mobilisation et de revendication communes pour l’ensemble de ces groupes. Mais la question de la démocratie est elle-même intimement liée, dans le discours et la perception des acteurs, à la situation régionale et à la question nationale. Les alliances tactiques entre les mouvements islamo-nationalistes, telles que le Hezbollah, le Hamas ou le Mouvement du Jihad islamique en Palestine (MJIP), et des formations politiques de gauche et nationalistes séculières sont aujourd’hui chose courante.
On voit les Frères musulmans égyptiens assister aux « Conférences anti-globalisation et anti-guerre du Caire » aux côtés de petits groupes « socialistes révolutionnaires » ; un membre du Bureau politique du Hezbollah libanais aujourd’hui député de Nabatiyyé, Ali Fayyad, est régulièrement invité dans les Forums sociaux mondiaux par la mouvance altermondialiste, tandis que son parti a organisé une conférence avec le Parti communiste libanais en novembre 2006 à Beyrouth. Depuis 1994, la Conférence nationaliste et islamique (al-Mou’atamar al-qaoumi al-islami) réunit, à l’initiative du Centre d’études pour l’unité arabe, l’ensemble des formations de gauche, nationalistes arabes et islamistes dans un processus de « reconnaissance mutuelle » sur un programme minimal commun. [3] .
Des coalitions électorales se sont parfois formées entre islamistes et mouvements de gauche et nationalistes, comme au Yémen. Autrefois opposé à toute idéologie marxisante ou de gauche, le mouvement islamiste yéménite Islah fait aujourd’hui partie d’une plateforme commune avec le Parti socialiste yéménite, ancien parti unique du Sud-Yémen socialiste. Cette coalition, fondée sur l’opposition au régime du président Salah et du Congrès populaire général (CPG), comprend également de petites formations nationalistes arabes comme l’Unité populaire nassérienne, ainsi que deux partis de confession zaydite, l’Union des forces populaires, d’orientation libérale, et le Parti al-Haqq (la Vérité), conservateur. Formée en novembre 2005, cette coalition nommée Partis de la rencontre commune (Ahzab al-Liqa’ al-Mouchtarak) a développé un fort niveau d’alliances politiques transversales autour de l’opposition au président Ali Abdallah Salah. Aux élections présidentielles de 2006, ces partis ont présenté un candidat commun, Faysal Bin Shemlan, un membre indépendant du parlement yéménite, ancien ministre du pétrole.
Enfin, force est de constater l’importance dans ces rencontres entre gauche, nationalistes et islamistes, des alliances pratiques ou imposées : l’expérience des prisons pour les Palestiniens et les Libanais en est un exemple. Une ancienne militante du Parti communiste libanais, Souha Bishara, peut ainsi rendre hommage à ses compagnes de cellules membres du Hezbollah à la prison de Khiam au Sud-Liban dans les années 1980 (Bishara, 2000), l’expérience carcérale commune constituant probablement le summum d’une rencontre qui transcende alors facilement les divergences idéologiques premières. S’il y a bien primat du politique sur l’idéologique, il y a aussi parfois primat du pratique.
Dans le champ politique palestinien, à l’heure des déchirures entre le Fatah et le Hamas, la seule initiative tendant à une union nationale des formations palestiniennes viendra bien des prisons israéliennes : en mai 2006, un « Document des prisonniers » est signé par Marwan Barghouti, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie, ‘Abd al-Khalq an-Natshah, membre de la direction du Hamas, Bassam Abou Sadi du Jihad islamique, ‘Abd al-Rahim Malouh, député au Conseil législatif palestinien et secrétaire général adjoint du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), et Moustapha Badarneh, membre du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) [4]. Ce document pose des bases politiques communes en vue de refonder un mouvement de libération nationale palestinien.
Ces points principaux sont « la refondation de l’Organisation de libération de la Palestine et l’intégration du Hamas et du Jihad islamique » au sein de la centrale palestinienne, et la formation « d’ un nouveau Conseil national palestinien de façon à assurer la représentation proportionnelle de toutes les forces palestiniennes nationales et islamiques », la formation « d’un gouvernement d’unité nationale qui assure la participation de tous les blocs parlementaires, en particulier le Fatah et le Hamas, et toutes les forces politiques qui souhaitent participer sur la base de ce document et du programme conjoint pour redresser la situation palestinienne aux niveaux arabe, régional et international », la libération des détenus palestiniens des prisons israéliennes et enfin le soutien à la revendication au droit au retour des réfugiés palestiniens [5].
Jamais appliqué, ce programme reste la base programmatique de discussion des groupes palestiniens. Déchirés à l’extérieur, les partis palestiniens dans toutes leurs composantes, trouvent ainsi dans l’espace carcéral les conditions mêmes de leur unité rêvée, et ce en-dehors d’un supposé clivage entre « laïcs » et « religieux ».
Logique de l’hostilité
Des relations entre gauches marxistes, islamismes politiques et nationalismes arabes au Moyen-Orient, il fut souvent retenu les oppositions multiples, bien réelles, sans pour autant comprendre ce paradoxe répété : il y a probablement autant de rencontres et de transversalités créées entre ces mouvements que d’affrontements. C’est donc, en un sens, une histoire de « je t’aime moi non plus », d’attractions et de répulsions. Dans les années 1980, on peut ainsi facilement retracer l’histoire d’une opposition violente et continue entre la gauche et les islamistes.
A Tripoli, au Nord-Liban, à l’automne 1983, le Mouvement de l’unification islamique du Cheikh Cha’aban « unifie » la ville sunnite en éliminant par la force les groupes baathistes prosyriens, tandis qu’à la mi-octobre, des militants communistes sont massacrés dans le quartier de Mina. De 1983 à 1987, le Parti communiste libanais perd successivement les philosophes Hussein Mroue et Mahdi Amil, ainsi que le rédacteur en chef du journal du PCL an-Nida’, Souhail Tawil, vraisemblablement tués par des groupes islamistes. Les affrontements entre le Parti communiste libanais, l’Organisation d’action communiste au Liban (OACL) et les groupes devant donner naissance au Hezbollah en avril 1985 sont continus. Assassinats d’intellectuels communistes tout au long des années 1980, confrontation entre les militants communistes au Sud-Liban alors occupé par Israël et miliciens islamistes chiites.
En 1986, les incidents entre le Parti communiste libanais et le Hezbollah amènent le magazine émirati Al-Khareej à interroger Hassan Nasrallah, alors jeune responsable du Hezbollah. Ce dernier, à l’époque, affirme que « le Hezbollah est aujourd’hui vu comme le principal parti sur la scène musulmane libanaise. La montée de la résistance islamique a probablement pu provoquer un certain nombre de patriotes libanais (…) Il n’y a aucun doute que c’est le climat créé par le Parti communiste libanais qui est responsable des affrontements armés dans Beyrouth-Ouest (…) Lorsque des roquettes ont été tirées de places communistes sur l’ambassade iranienne, l’équation a totalement changé et notre réponse est devenue sévère, bien que nous ayons essayé de contenir l’incident et d’éviter une contagion sur d’autres zones (…) Cependant, nous avons encore une remarque à faire, concernant cet incident : nous faisons toujours très attention à interdire les conflits avec quiconque, et plus particulièrement ceux avec lesquels nous avons des différences idéologiques, comme les communistes (…) Notre stratégie est de bâtir un avenir commun à travers notre confrontation avec l’ennemi sioniste. » (cité par Noe et Blandford, 2007).
Dans les territoires palestiniens et plus particulièrement à Gaza, les groupes des Frères musulmans devant donner naissance en décembre 1987 au Hamas s’en prennent physiquement à des militants de gauche : le 26 juin 1986, des islamistes palestiniens proches des Frères musulmans essayent d’assassiner le docteur Rabah Mouhannah, l’un des responsables locaux du Front populaire pour la libération de la Palestine à Gaza.
Pour Rabah Mouhannah, « il faut dire clairement que les Frères musulmans, chez nous à Gaza et en-dehors, ont collaboré avec le capital et les Etats-Unis contre le communisme international et les organisations de libération nationale, comme le régime de Nasser et l’OLP. Je résume : ce sont les plus organisés, et les plus soutenus. Et nous, on sait très bien la différence entre nous et le courant islamique. Et personnellement, je peux vous dire, qu’ici, dans mon bras, il y a une broche : c’est une séquelle d’une tentative d’assassinat, ce sont les Frères musulmans, qui sont aujourd’hui Hamas, qui essayèrent de m’assassiner en juin 1986 (…). Même si il y a eu une évolution nationaliste dans les Frères musulmans, même si je discute avec eux aujourd’hui, je me souviens très bien de ce qu’ils faisaient contre la gauche dans les années 1980, je n’oublie pas cela. [6] »
Plus tard, les Frères musulmans gazaouites n’oublieront pas non plus de rappeler les exactions dont ils furent eux-mêmes victimes pendant ces années : attaques du Fatah et de la gauche contre les membres des Frères à l’université, assassinats. Selon Mohammed ar-Rantissi, l’attaque contre Rabah Mouhannah du FPLP n’était ainsi qu’une réponse à une tentative d’assassinat sur son frère, Abdel Aziz ar-Rantissi, futur numéro deux du Hamas (Oberlin et Bourget, 2009). La violence n’est donc pas à sens unique, à moins de vouloir retracer l’histoire d’une manière manichéenne. Les Frères musulmans syriens n’oublieront ainsi pas de rappeler le soutien affiché par le Parti communiste syrien Bagdash au Baath syrien et le silence des mouvements de gauche dans la région lors des massacres de Hama en février 1982 : la répression du régime de Hafez al-Assad contre les Frères avait alors fait aux alentours de 30 000 morts.
Que cela soit dans le Liban de la guerre civile, dans les territoires palestiniens occupés ou sur les campus égyptiens où les Frères musulmans, souvent encouragés indirectement par le régime du président Anouar El-Sadate au cours des années 1970, s’appliquent là aussi à écarter la gauche des universités, la violence concurrentielle constitue bien l’un des paradigmes dominants régissant les rapports entre mouvements radicaux de gauche, nationalistes arabes et mouvements islamistes. Mais s’en tenir à cette seule dimension réduirait singulièrement l’analyse, car ce qui fait justement la complexité du rapport, c’est l’existence continue et concomitante de liens politiques transversaux entre ces groupes, liens que l’on voit encore transparaître aujourd’hui.
Révolution iranienne : précédent « anti-impérialiste »
La révolution iranienne de 1979 en est un exemple : elle déstabilise à l’époque les repères classiques des mouvements « anti-impérialistes » de gauche et séculiers, car la dynamique révolutionnaire dont les mouvements de gauche étaient alors orphelins s’y conjugue avec une rhétorique profondément religieuse, et en même temps elle exerce sur ces mêmes mouvements une attraction politique indéniable.
On se souviendra ainsi du voyage triomphal de Yasser Arafat en Iran, dès les premiers jours de la révolution : « Khomeyni est notre imam, notre chef, le dirigeant de tous les moudjahidins, nous serons deux peuples en un seul, deux révolutions en une seule et chaque fedaï, chaque moudjahid, chaque révolutionnaire iranien sera l’ambassadeur de la Palestine en Iran. Nous avons libéré l’Iran, nous libérerons la Palestine. Nous continuerons nos efforts jusqu’au moment où nous aurons vaincu l’impérialisme et le sionisme ; le combat mené contre le Chah par les Iraniens est identique à celui des Palestiniens contre Israël » (cité par Banisadr, 1987).
L’arrivée de Yasser Arafat à Téhéran le 17 février 1979, en compagnie de 59 représentants de l’OLP et d’une délégation libanaise, la fermeture de l’ambassade israélienne deux jours plus tard et l’installation dans ses locaux de l’OLP, le discours de Yasser Arafat à Mashad devant près d’un million de personnes placent pour le mouvement national palestinien la révolution islamique iranienne sur un piédestal historique qui, s’il ne durera pas pour tous, fait cependant figure d’événement « anti-impérialiste » refondateur pour les acteurs au sein d’un paysage politique marqué, pour les Palestiniens, par les Accords de Camp David entre l’Egypte et Israël d’une part, par la bourbier politique et militaire de la guerre civile libanaise d’autre part. Pour la direction palestinienne, la révolution iranienne vient ouvrir un nouveau front qui doit changer le rapport de force global au Moyen-Orient en sa faveur.
La révolution iranienne fascine la gauche et les mouvements nationalistes palestiniens : elle est en effet perçue de façon double. D’une part, c’est une révolution politique qui vient changer le rapport de force au Moyen-Orient, en mettant fin à un régime – celui du Chah d’Iran – perçu comme très favorable aux intérêts américains et israéliens dans la région. D’autre part, il s’agit de ne pas mésestimer le discours social et révolutionnaire de la révolution iranienne : la centralité donnée par l’ayatollah Khomeyni – mais de manière bien plus visible par la gauche islamo-marxisante des Moujahidins du peuple ou par les tenants de la philosophie tiers-mondiste islamique de Ali Shariati – à la figure des opprimés, à l’opposition de l’opprimé, à l’oppresseur, à « l’arrogance impérialiste », est tout à fait à même de séduire, dans un premier temps, des milieux de gauche et nationalistes dans lesquels la liaison entre la question nationale et la question sociale restent des points constitutifs du discours politico-idéologique [7] .
Membre du bureau politique du Parti communiste libanais, Marie Nassif-Debs rappelle aujourd’hui « qu’en 1979, même le Parti communiste libanais a eu un petit doute sur la révolution iranienne, et des espoirs. D’abord nous soutenions le Parti communiste iranien, le Toudeh, et le Toudeh nous engageait à soutenir la révolution iranienne. Même dans nos journaux, tu pouvais trouver, dans notre organe an-Nida’, dans les premiers temps, des portraits de l’ayatollah Khomeyni. Mais nous avions des réticences, en raison du caractère très religieux de la révolution islamique. Nous avons suivi, comme tout le monde a suivi, mais nous avons pris nos distances très vite. [8] ».
La division sunnite/chiite peut elle aussi s’en trouver relativisée : des groupes sunnites nassériens au Liban prennent fait et cause pour l’Iran. Ainsi, l’Union socialiste arabe - Liban (al-Ittahad al-ichtaraki al-‘arabi-Loubnan) produit à l’époque une affiche saluant le processus révolutionnaire iranien : « il est temps que le peuple iranien lève la tête. Salutations à sa révolution et à son dirigeant al-Khomeyni ». L’affiche, noire et jaune, représente l’ayatollah Khomeyni avec, en bas, une petite fille couverte du tchador iranien. La signature de l’affiche, celle de l’Union socialiste arabe - Liban, est en deux langues : arabe et persan. Bien que religieuse, la révolution iranienne soulève à ses débuts bien peu de critiques dans la gauche libanaise et palestinienne et dans les milieux nationalistes arabes. L’unanimisme est de rigueur.
A l’époque dirigeant de la Brigade étudiante du Fatah, une branche maoïsante de l’organisation de Yasser Arafat, dont nombre de militants allaient d’ailleurs suivre les pas de l’islam politique, Mounir Chafiq insiste d’abord sur l’aspect fondamentalement « anti-impérialiste » de la révolution iranienne : si elle provoque l’unanimité, c’est d’abord en fonction des impératifs politiques des mouvements libanais, palestiniens et au-delà, arabes.
« En 1979, il y a deux événements d’ampleur qui viennent brouiller cette bipolarité URSS/USA : l’invasion soviétique en Afghanistan et la révolution iranienne. L’invasion soviétique montre que la question de l’autodétermination des peuples est en réalité secondaire pour les soviétiques. La révolution iranienne, elle, montre qu’il peut y avoir une voie anti-impérialiste en-dehors du jeu des deux blocs. La force de la révolution iranienne, c’est d’avoir rompu avec cette bipolarité historique, c’est d’avoir été une nouvelle voie pour les opprimés. (…) Ensuite, la révolution iranienne a détruit l’un des plus importants soutiens des USA et d’Israël dans la région. C’était un séisme politique. C’est pour cela que tous les leaders nationalistes sont partis en Iran voir Khomeyni après la révolution, dont Yasser Arafat, qui a fait une arrivée triomphale à Téhéran. On percevait que ça allait changer le rapport de force dans la région. C’est parce que la révolution iranienne venait directement servir notre lutte de libération palestinienne que nous avons vraiment adhéré à son message. [9] »
Membre à l’époque du bureau politique du Front populaire pour la
Libération de la Palestine, Salah Salah quant à lui rappelle les positions de la gauche marxiste nationaliste : soutien total, même si réticences. « D’un côté, au Front, nous pouvions avoir quelques réserves idéologiques naturelles vis-à-vis de la révolution iranienne. Le Fatah avait moins de réserves que nous. D’un point de vue de gauche marxiste, nous avions des réserves idéologiques sur le caractère conservateur de certains courants de cette révolution. Mais en même temps nous vivions de manière très positive les actions de la révolution iranienne, notamment celle de fermer l’ambassade israélienne et d’ouvrir une représentation de l’OLP à Téhéran. Pour nous, c’était une véritable révolution anti-impérialiste. [10] »
Si donc les années 1980 sont marquées par une logique de l’hostilité, elles sont néanmoins précédées par une forme de rencontre politique autour de « l’événement » de la révolution iranienne, qui emporte l’adhésion moins en fonction de son discours religieux que par sa forte tonalité anti-impérialiste. Dans les années 1990, l’heure sera de nouveau aux retrouvailles : le contexte de la guerre américaine contre l’Irak, tout comme l’opposition aux Accords d’Oslo israélo-palestiniens en 1993, amènent les mouvements de gauche, islamistes et nationalistes à se retrouver autour de valeurs communes, dont la principale et la plus significative est bien la question nationale.
Question nationale : l’« idéologie implicite » fondatrice
Les logiques religieuses et « laïques » peuvent bien diverger : il n’en reste pas moins que sur un point, elles se rejoignent pleinement. Ce point n’est pas secondaire, mais constitue au contraire l’élément surdéterminant du politique dans la région, et semble même définir la légitimité – et la longévité – ou non de tel ou tel courant. Ce point, c’est la question nationale, entendue dans un double sens : dans le sens du « droit à l’autodétermination » des Etats-nations (Watan) de la région, mais aussi de la région arabe prise comme un tout (al-Oumma al-‘arabiyyah). La question nationale ne s’entend alors pour ces mouvements que dans le sens de « l’anti-impérialisme » et de l’opposition à « l’Occident colonisateur ».
Déjà en 1961, l’islamologue Maxime Rodinson écrivait : « Les tendances profondes d’une société, ses nécessités créent une idéologie implicite qui transforme de l’intérieur les idéologies existantes, qui les rend compatible, même quand elles ne le sont pas logiquement. (…) Cette idéologie implicite, il est difficile de la formuler. Néanmoins, je crois qu’on peut déterminer certaines grandes tendances. Il faut d’abord, la situation l’impose, que soit reconnue la valeur de la libération nationale. (…) L’islam, malgré tout, est impuissant quand il est seul. Il fournit une structure, mais elle n’est pas assez forte ; il fournit les symboles, mais ces symboles seuls sont inadéquats aux luttes en cours. Les buts qu’il peut proposer en tant que religion, le salut individuel, l’Etat théocratique ne trouvent plus assez d’écho. La preuve en est l’échec des Frères musulmans devant le nationalisme nassérien (…). »
« Maintenant, c’est l’inverse : c’est l’islam qui est réinterprété en fonction des autres idéologies : du nationalisme arabe, du communisme même, puisque les communistes orientaux l’ont souvent réinterprété, se sont souvent servis de l’islam pour illustrer les valeurs communistes, la lutte contre les riches, contre l’impérialisme, la révolution, etc. Le communisme, lui, fournit les structures, les symboles, les cadres. Il a eu de grandes opportunités dans le passé, mais sa liaison avec une stratégie internationale l’a compromis, alors que les masses n’étaient disposées à adopter comme tâche que les buts de libération nationale » (Rodinson, 1972).
Cet écrit s’inscrit dans le cadre typique des années 1950 et 1960 : luttes de libération nationale, décolonisations, conférence de Bandung, etc. Il a le mérite de saisir deux éléments concomitants : d’une part, l’existence d’une « idéologie implicite » de libération nationale commune à tous les courants, et d’autre part, l’existence d’allers-retours politiques et discursifs entre différentes idéologies (du communisme à l’islam, de l’islam au nationalisme arabe, etc.). La question reste donc de savoir si le terme d’« idéologie implicite » de libération nationale, postulant une série de « concordismes » entre des mouvements différents et évolutifs (le communisme, le nationalisme arabe et l’islam politique) a une quelconque validité aujourd’hui.
Ce n’est d’abord pas une question de jugement. Il faut se reporter au discours des acteurs. Ces derniers, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, continuent à décrire leur monde et à l’écrire dans un vocabulaire qui ne tranche pas fondamentalement avec celui des années 1960 et 1970 sur un point bien précis : la question nationale. La récurrence, dans le discours commun, des notions d’impérialisme, de colonisation, d’hégémonie occidentale, de résistance, de non-renoncement, de refus de normalisation avec Israël montrent bien au minimum qu’il y a une base conceptuelle commune.
Au Liban et en Palestine, ce qui reste très majoritairement de la gauche (le FPLP et le PCL) a ce discours « pivot ». Ce qui pousse les islamistes à s’ouvrir sur la gauche, c’est un discours commun autour de la libération nationale. Pas un discours sur la lutte de classe ou sur la démocratie (ce qui n’exclut ipso facto pas l’inclusion de ces problématiques, mais pour qu’il y ait inclusion, il faut qu’il y ait une base : la question de la libération nationale).
L’intervention du cheikh Naïm al-Qassem, numéro deux du Hezbollah, lors du Forum international de Beyrouth contre l’impérialisme et pour les alternatives en janvier 2009 résume cette vision. Sur les sept points communs proposés à un public arabe et international très largement de gauche, c’est le vecteur libération nationale qui est mis en avant : « premièrement, nous voulons la justice pour les peuples du monde ; deuxièmement, la résistance est notre voie pour la libération ; troisièmement, ô hommes libres du monde, unissez-vous (Ya Ahrar al-‘Alam, Ittahadou) ; quatrièmement, combattons l’impérialisme et l’Amérique ; cinquièmement, oui à la dignité humaine ; sixièmement, oui à la liberté pour les peuples du monde ; septièmement, avec Gaza, contre ses agresseurs. »
Dans ce discours, les concepts de justice (al-‘Adala) et de liberté (al-Houria) ne sont pas d’abord couplés avec des questions économiques ou politiques et démocratiques, mais compris dans un cadre « anti-impérialiste », « contre l’Amérique ». Lorsque, dans ces conférences, les problématiques commencent à s’étendre à des questions culturelles, démocratiques ou sociales, c’est toujours en premier lieu sous l’angle de la libération nationale, pour les islamistes comme pour les autres. « L’idéologie implicite » de libération est donc centrale, parce qu’elle renvoie à une histoire qu’elle considère comme continue et toujours réactualisée, l’histoire « coloniale » et « impériale ».
C’est le discours « Sykes-Picot », du nom des accords secrets franco-britanniques de mai 1916 sur le « partage » du Moyen-Orient entre ces puissances, qui garde une actualité patente dans le discours politique : la résolution onusienne 1559 de septembre 2004 demandant le désarmement du Hezbollah et le retrait de la Syrie est par exemple traitée par le Hezbollah ou le PCL comme une actualisation du projet colonial initial de « cantonisation » et de démembrement du monde arabe. Il y a pour ces mouvements continuité historique : l’occupation des territoires palestiniens de 1967 renvoie à la déclaration Balfour favorable à la création d’un « Foyer national juif » en Palestine et à 1917, la guerre d’Irak et le conflit larvé au Liban aux accords « Sykes-Picot » et au démembrement de l’Empire ottoman.
« L’idéologie implicite » commune s’inscrit dans un temps historique long. Et c’est justement la répétition historique de la question nationale et sa non-résolution qui appellent des mouvements aux idéologies explicites opposées – religieuses, communistes, nationalistes arabes, etc. – à se retrouver autour d’un paradigme historique continu. Cette « idéologie implicite » nationalitaire brouille ainsi les frontières idéologiques explicites des uns et des autres. Avant d’être islamiste ou marxiste, on est d’abord nationaliste. D’où la transformation interne à l’islamisme politique, qui se réfère aujourd’hui de moins en moins à un espace musulman transnational qu’aux frontières mêmes du monde arabe, voire des pays des « Sud » en lutte contre « l’impérialisme ».
Ainsi, quelques jours après la guerre de juillet et août 2006 entre le Hezbollah et Israël, les photos d’Hugo Chavez – « Brother Chavez » – fleurissaient sur les murs de la banlieue Sud chiite de Beyrouth. Ce n’était naturellement pas les programmes de nationalisation du pétrole ou l’arrivée de plusieurs centaines de médecins cubains à Caracas pour travailler sur un système de santé publique gratuite qu’on applaudissait. C’était les prises de position du président vénézuélien contre les Etats-Unis d’Amérique depuis son élection d’une part, ses prises de position contre Israël lors de la guerre de 2006 d’autre part.
La référence à Hugo Chavez apparaît déjà avant à cette guerre, dans les interventions publiques d’Hassan Nasrallah. Dans un discours prononcé au palais de l’Unesco à Beyrouth début 2006, le secrétaire général du Hezbollah expose le concept d’alliances du point de vue de son parti. L’axe Téhéran-Damas-Gaza-Beyrouth s’ouvre ainsi, déjà, sur Caracas et le Venezuela : « Ce dont nous avons besoin en tant que Libanais, c’est de discuter et de résoudre nos propres problèmes. Mais, si certaines personnes insistent pour placer le Liban dans des alliances internationales, (…) alors nous ferons le choix d’être dans une alliance (…) de Gaza à Beyrouth, à Damas, à Téhéran, jusqu’à n’importe quelle capitale du monde ! Jusqu’à notre frère Chavez au Venezuela ! (…) Nous ne sommes partie prenante d’aucune alliance, mais si nous avions le choix entre deux, entre cette alliance et l’autre qui va de Tel Aviv à l’Amérique et à leurs alliés, alors il n’y a aucun doute, nous serions dans la première alliance ! »
Le discours politique arabe contemporain est ainsi lu aujourd’hui sous l’angle de l’islamisation progressive de ses références : on pourrait aussi inverser le regard et le lire sous l’angle de sa « re-tiers-mondisation » progressive, et par la manière dont l’islam politique s’approprie justement la référence tiers-mondiste classique.
Divisions sur la question sociale : un islamisme économiquement à droite ?
Surdéterminante, la question nationale ne suffit cependant pas à tracer des lignes de convergences totales entre la gauche, le nationalisme arabe et l’islam politique. Parmi les sujets de discorde, reste la question sociale. Elle est à même de créer un certain clivage entre ce qu’il reste de la gauche arabe et l’islam politique. L’islamisme conjugue en effet plusieurs traits : il prend appui autant dans les classes populaires que dans certaines couches des nouvelles bourgeoisies émergentes.
La vision néolibérale de certains islamistes, en premier lieu des Frères musulmans égyptiens, qui en 1997 avaient par exemple pu soutenir un programme de privatisation restituant à leur anciens propriétaires des terres nationalisées sous Gamal abdel-Nasser, est donc fondamentalement antithétique avec ce qui est supposé constituer l’essence même d’une idéologie se réclamant de gauche. Les petits groupes d’extrême gauche égyptiens, très investis dans la grève générale d’avril 2009, ne retrouvent pas les Frères musulmans dans ces mouvements sociaux, comme ils le peuvent sur d’autres questions, « anti-impérialistes » et démocratiques. Au Liban, le Hezbollah se réclame certes d’une économie dirigée, d’un Etat fort de type keynésien. Mais en pratique, il a accepté les plans de privatisation des télécoms et de l’Electricité du Liban (EDL) sous le mandat de Fouad Siniora, de 2005 à 2008.
Si la question sociale divise la gauche et les islamistes, il n’en reste pas moins qu’elle divise aussi les islamistes à l’intérieur : mouvement de masse « transclassiste », l’islam politique voit par exemple en Egypte s’opposer d’un côté la logique des syndicats ouvriers des Frères investis dans les mouvements de grève, et de l’autre une direction très majoritairement acquise au dogme libéral.
Comme le notent Patrick Haenni et Houssam Tammam, « les Frères, dans leur programme économique, restent souvent dans les généralités ou dans un discours déclinant des orientations socio-économiques contradictoires, allant d’un discours franchement néolibéral focalisé sur le dégraissage des appareils d’Etat à des positions s’inscrivant dans le droit fil de l’héritage nassérien. Au Parlement également, un observateur notait que ‘si le monde unit, l’économie divise’, remarquant la tendance des parlementaires Frères à s’aligner sur les intérêts de classe de leur circonscription, une logique de représentation qui pousse à gauche les députés issus de districts ouvriers et à droite ceux de quartiers plus aisés à droite » (2009).
Le positionnement économiquement à droite de l’islam politique, tout comme les contradictions de classe en son sein, sont aussi le reflet d’une crise de la gauche dans le monde arabe : si les mouvements sociaux et ouvriers ont repris de la vigueur depuis quelques années, notamment en Egypte, les idées socialisantes et redistributrices, elles, souffrent bien d’une crise historique et programmatique dans la région.
Du retour de la « contradiction principale » dans le discours politique arabe
Les relations entre les mouvements de gauche, islamistes et nationalistes sont donc marquées par une ambiguïté, un jeu de « je t’aime moi non plus ». D’une part, la figure répétée de conjonctures politiques de type nationalitaire, symbolisée par la question palestinienne, les oblige à se rencontrer, « l’idéologie implicite » nationaliste à caractère tiers-mondiste surdéterminant les divergences idéologiquement explicites. D’autre part, la retrouvaille constamment réitérée est ponctuée d’oppositions réelles et tenaces. Prompts à s’allier sur la question nationale, contre « l’impérialisme » et Israël, ou encore sur la question démocratique, ils peuvent diverger sur d’autres sujets : la question sociale en est un.
Un préjugé tenace voudrait que les divergences principales se trouvent dans la question religieuse, démocratique ou sur le droit des femmes : les choses sont en réalité plus relatives, les islamistes s’étant largement accommodés des logiques démocratiques (parfois même en devenant au fur et à mesure des années le fer de lance des contestations démocratiques contre des régimes autoritaires), et l’existence d’une « affirmation féministe » au sein même de la mouvance islamique a par ailleurs pu faire se rencontrer militantes islamistes et laïques (Dayan-Herzbrun, 2005).
Enfin, il faut reconnaître que les lignes de clivage sont aujourd’hui considérablement brouillées. Un mouvement de gauche comme le FPLP palestinien se sentira plus proche du Hezbollah libanais que du Parti communiste irakien, en raison du soutien de ce dernier à l’intervention américaine en l’Irak en 2003 ; parallèlement, le Hezbollah libanais pourra nourrir de bien meilleures relations avec la gauche libanaise, ou avec de petites formations nationalistes arabes et nassériennes, qu’avec les Frères musulmans libanais de la Jama’a islamiyyah, un parti membre de la coalition du 14 mars proche des Etats-Unis et de la France, les Frères libanais privilégiant actuellement l’opposition à la Syrie à celle contre les Etats-Unis ou la France.
Là aussi, encore une fois, les lignes d’alliances politiques sont d’abord déterminées par le positionnement face aux Etats-Unis et à Israël et par « l’idéologie implicite » nationalitaire, qui a bien tendance à relativiser les divisions idéologiques au profit d’une logique d’alignement (ou non) sur des principes tiers-mondistes d’opposition Nord-Sud. C’est dire que le critère d’alliance d’un militant de gauche n’est pas forcément « la gauche », et celui d’un islamiste n’est pas « l’islamisme », ces catégories étant relativisées par l’éclatement réel de ces courants.
La gauche arabe est quant à elle en crise programmatique et idéologique, et vit des divisions politiques profondes : d’un côté les mouvements qui privilégient la lutte nationale et la lutte sociale, de l’autre des mouvements qui privilégient la question des droits individuels et ne se situent plus du tout dans une logique « anti-impérialiste ». Un bon exemple en étant le Mouvement de la gauche démocratique au Liban, une scission du Parti communiste, qui a autant accompagné les programmes de privatisation qu’appuyé la politique états-uniennes et européennes contre la Syrie et le Hezbollah depuis 2005, se concentrant sur la lutte contre « l’intégrisme » du Hezbollah et la domination syrienne.
L’islamisme n’est pas non plus avare de fractures profondes : des mouvements comme le Hamas ou le Hezbollah s’accordent à des logiques tiers-mondistes et nationalistes au contraire de mouvements salafistes sunnites déterritorialisés et hostiles aux concepts de nationalisme, de patriotisme et d’arabité. En Irak, les islamistes sunnites dénoncent les islamistes chiites comme des collaborateurs de l’administration américaine. Il en va de même des nationalistes arabes, dont certains vont, au nom d’une identité sunnite immuable, se dire « contre l’Iran » chiite, et d’autres, au nom encore de l’anti-impérialisme, prôner une alliance avec Téhéran.
Il y a donc une certaine crise du discours politique arabe et des fractures profondes. C’est dans ce contexte qu’il faut justement comprendre l’alliance transversale entre les plus importants groupes islamistes, de gauche et nationalistes sur la question nationale : pour ces mouvements, la logique de la division est prégnante, et le monde arabe fait aujourd’hui face à une tentative de nouvelle partition politique sous égide occidentale. D’où la nécessité, pour eux, de se concentrer sur la « contradiction principale » (at-Tanaqoud ar-ra’issi), selon une formule maoïste qui fit autrefois florès à gauche… et dans certains mouvements islamistes.
Pour ces mouvements, elle ne saurait être que la question nationale, considérée alors comme le centre même du politique dans la région. L’islamisme se fait alors plus le signe d’un grand retour d’un nationalisme aux accents tiers-mondistes que d’un abstrait retour du religieux. Parallèlement, il n’est pas impossible que dans les années 1960 et 1970, ce n’était pas tant le marxisme qui s’emparait du nationalisme que le contraire. L’historien Henry Laurens, détournant la sentence léniniste bien connue, se demandait si « l’anti-impérialisme » ne fut pas le « stade suprême du communisme » [11]. En irait-il de même pour l’islam politique ?
Bibliographie
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Tammam H. et Haenni P. (2009), « Les Frères musulmans face à la question sociale : autopsie d’un malaise socio-théologique », Etudes et analyses, numéro 20, Institut Religioscope.