Si les systèmes de protection sociale européens font les frais des réponses publiques à la crise ouverte en 2008, la tendance est inverse au Sud, où un grand nombre d’États ont choisi d’amortir les effets du ralentissement économique en accélérant la mise en place, ou l’élargissement, de leur couverture sociale. Inspirés des expériences phares du Brésil et de l’Afrique du Sud, les programmes les plus répandus visent le transfert d’allocations modestes aux ménages les plus pauvres,
majoritairement exclus du marché du travail formel. Le recul de la grande pauvreté est indéniable dans les régions concernées, mais la couverture demeure réduite à l’échelle planétaire – 75% de la population mondiale n’a pas accès à une protection sociale de base aujourd’hui.
Aiguillée par l’échec anticipé des Objectifs du millénaire pour le développement, une coalition d’agences de coopération internationale ambitionne d’appuyer le mouvement et de généraliser la protection sociale aux régions les plus pauvres. L’initiative mérite d’être saluée. Mais les perspectives en présence divergent. Pour les uns, l’enjeu est bel et bien la mise en place de mécanismes redistributifs, dans une perspective d’élargissement des droits sociaux. Le tournant social des autres est plus suspect, en ce qu’ils y voient surtout un investissement productif dans le « capital humain », une mesure somme toute abordable dans la gestion du « risque social » lié à l’inéluctable libéralisation des économies.