Academic Press Fribourg, 2012, 366 pages, broché
Le projet de la sociologie est, par nature, subversif. Il consiste toujours, en effet, à faire voir aux acteurs ce qu’ils ne voient pas, soit parce qu’ils ont des raisons de (se) le cacher, soit parce qu’ils l’ignorent ou encore, parce qu’ils le censurent. Le sociologue est donc nécessairement engagé dans un combat contre l’idéologie et l’ignorance de l’acteur, mené au nom de la complexité du réel, pour contribuer à une connaissance un peu plus réflexive et lucide. Cette conception du travail du sociologue a un corrolaire politique. En effet, l’idéologie et l’ignorance de l’acteur sont aussi des armes, dont il se sert pour cacher ou ignorer ses intérêts particuliers, lorsque ceux-ci sont contraires à l’intérêt général. C’est bien pour cela qu’il résiste à la lucidité : beaucoup d’acteurs, surtout quand ils sont dominants, n’apprécient guère de se dénuder ou d’être ainsi dénudés. Le combat du sociologue prend alors des allures plus politiques : il devient un combat contre la domination et l’aliénation sociales, au nom de valeurs comme la justice, la liberté, la solidarité…, pour la défense du bien commun. Dès lors, l’engagement du sociologue est forcément politique, mais d’une manière très spécifique. Il n’adhère jamais à l’idéologie d’un acteur, quel qu’il soit ; s’il y adhérait, il cesserait de faire de la sociologie. Si donc il parvient, ne fut-ce qu’un peu, à aider un acteur à se libérer, c’est seulement si celui-ci y est disposé, et justement parce qu’il n’adhère pas à son discours.