« Nous pensons qu’il faut donner à cette crise un nom plus exact. Celui-ci reste encore à trouver. Mais il ne s’agit pas d’une crise alimentaire. C’est une crise de valeurs qui concerne tout autant les entreprises transnationales et les gouvernements nationaux que la coopération internationale. »
Sinforiano Cáceres, président de la Fédération nationale des coopératives, Nicaragua (Envio, 2008).
Premier semestre 2008. Le Sud connaît une vague d’irruptions populaires violentes consécutive à la spectaculaire envolée des prix alimentaires. Aucun continent n’est épargné. Telle une traînée de poudre, des émeutes urbaines éclatent successivement en Guinée, au Burkina Faso, au Cameroun, au Sénégal, en Haïti, en Côte d’Ivoire, aux Philippines, au Bangladesh, au Pakistan, en Indonésie, en Malaisie... Elles sont quasi simultanées au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Partout, le scénario semble se répéter à l’identique : flambée locale des prix, manifestations de colère populaire, pillage de magasins ou d’entrepôts, proclamation par les autorités de l’état d’urgence, affrontements violents avec les forces de l’ordre qui, dans certains cas, n’hésitent pas à tirer sur la « foule ».
Le bilan humain est lourd : au total, des centaines de blessés et des dizaines de morts, principalement en Afrique (Cameroun, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Somalie, etc.). Dans quelques pays, la pression de la rue est telle que les gouvernements nationaux sont directement menacés. Haïti en fait la douloureuse expérience : au terme de 3 jours d’émeutes qui se soldent par la mort de 5 personnes, dont un casque bleu de la Minustah (Mission de l’ONU pour la stabilisation en Haïti, l’une des cibles privilégiées des manifestants), et la tentative de prise du Palais national, le gouvernement Alexis est contraint de démissionner. Ailleurs, le couperet de la répression tombe : on ne compte plus les arrestations.
Très vite, un vent de panique s’empare de la communauté internationale. Face à cette multiplication d’« émeutes de la faim », d’aucuns parlent déjà de la « première crise alimentaire globale depuis la seconde guerre mondiale ». D’autres soulignent le caractère inédit de cette crise qui touche désormais de plein fouet les villes. Beaucoup craignent la contagion émeutière. Dans un discours aux accents dramatiques, la presse internationale se fait largement l’écho des événements.
El Watan, le grand quotidien algérien, prédit, face à la hausse des prix alimentaires, une nouvelle « inflation de pauvreté » (Ali Benyahia, 13 avril 2008). L’hebdomadaire britannique The Observer sonne le tocsin, mettant en garde contre le « spectre de la catastrophe » qui serait en train de « s’abattre sur la planète » (McKie, Steward, 13 avril 2008). Eric le Boucher, dans Le Monde, annonce quant à lui le « retour des ventres creux », et prévient : « Pour des centaines de millions de pauvres, la nourriture dépasse 75% du revenu. Ils n’ont d’autres choix que de jeûner. L’inflation alimentaire risque d’annuler la victoire historique contre la pauvreté et la malnutrition que l’homme était en passe de remporter (sic) » (13 avril 2008).
Manifestement prise au dépourvu par l’ampleur et la gravité de la crise, malgré les avertissements répétés de la FAO depuis plusieurs mois [1] , les institutions internationales tirent l’une après l’autre la sonnette d’alarme et posent les premiers diagnostics. Le ton est alarmiste. Le tableau est pessimiste : 100 millions de personnes, signalent les Nations unies, pourraient basculer dans la pauvreté du fait de la hausse des prix des produits alimentaires de base si aucune mesure énergique n’est prise. Cumulant des niveaux élevés de sous-alimentation chronique, une forte croissance démographique et une grande dépendance vis-à-vis des importations énergétiques et alimentaires, près d’une quarantaine de pays sont jugés particulièrement vulnérables. Les pays émergents, avertissent-elles encore, pourraient eux aussi ne pas être épargnés par les émeutes, sinon par de fortes tensions sociales, si la hausse des prix se poursuit.
Et les différentes agences onusiennes de multiplier les appels à l’action et aux plans d’urgence. Dans la foulée, la FAO convoque un sommet extraordinaire à Rome (juin 2008) et Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, pour qui cette crise est susceptible de réduire à néant près de sept ans d’efforts dans la lutte contre la pauvreté, plaide pour la mise en place d’un « New Deal alimentaire » donnant une nouvelle priorité aux investissements agricoles. De leur côté, les grandes puissances – Etats-Unis et Europe en tête – s’engagent à augmenter leur aide alimentaire et au développement agricole. L’inquiétude est palpable dans les rangs des dirigeants mondiaux, certains estimant que l’insécurité alimentaire fait désormais peser une menace plus grande encore que le terrorisme sur la stabilité internationale.
Dans le Sud, nombreux sont les Etats qui n’ont pas attendu pour prendre les devants. Craignant la colère de la rue, des mesures d’urgence sont prises pour contrer la spirale inflationniste : blocage des prix alimentaires, utilisation des réserves stratégiques, suppression provisoire des taxes sur les importations, augmentation des subsides alimentaires, hausse sélective des salaires, limitation, voire blocage, des exportations, etc. En Egypte, l’armée est appelée à la rescousse dans les boulangeries d’Etat pour la cuisson du pain. Aux Philippines, on la voit distribuer des sacs de riz dans les bidonvilles, et comme en Thaïlande, premier exportateur mondial de riz, surveiller champs et entrepôts arme au poing. Le gouvernement philippin va plus loin encore en élargissant la peine de mort aux pratiques privées de stockage en vue de manipuler le prix du riz (Weaver, 2008).
En deçà et au-delà des « émeutes de la faim »
La fumée des récentes émeutes s’étant dissipée, il nous semblait utile, dans cette édition 2009 d’« Etat des résistances dans le Sud », de revenir sur ces événements en portant un regard à la fois objectif, critique et lucide sur la « crise ». Sur ses ressorts et sa signification bien entendu. Mais aussi sur la diversité des réactions auxquelles elle a donné lieu, les tensions ouvertes ou latentes engendrées par la hausse des prix, les réponses apportées par les gouvernements nationaux, leur attitude enfin face aux mobilisations populaires.
Avant tout, une mise au point s’impose qui renvoie à la fois à des considérations théoriques et à un souci de représentativité, à défaut de pouvoir être exhaustif. Le terme « émeute de la faim » est un terme piégé, lourdement connoté. Il suggère une réaction violente, spontanée, émotive, imprévisible, irrationnelle et incontrôlable d’un agrégat d’individus sans lien apparent, si ce n’est leur appartenance aux couches les plus défavorisées de la population, sans autre projet que la satisfaction d’un besoin immédiat et autre ressort qu’une profonde frustration. Expérimentant une situation limite, ces « ventres creux » n’auraient d’autre choix que le recours à la violence à défaut d’autres canaux d’expression.
Une analyse plus fine et contextualisée des derniers épisodes émeutiers dans le Sud appelle cependant à nuancer cette conception. En effet, les émeutes n’ont pas toujours le caractère spontané et irrationnel qu’on voudrait leur donner. A y regarder de plus près, elles travestissent souvent, dans le bruit et la fureur, des formes initiales de mobilisations nettement plus organisées et structurées, les doublent ou les débordent. C’est dire que la ligne de partage entre émeutes et formes d’actions collectives plus conventionnelles est floue.
La compréhension des émeutes ne peut se réduire au seul axe de la confrontation. En réalité, comme le souligne, Didier le Saout, à propos du Maghreb, les émeutes sont traversées d’une pluralité de significations (1999). Pas plus qu’elles ne relèvent d’une culture spécifique, elles ne peuvent seulement être envisagées sous l’angle d’une causalité unique, en l’occurrence ici la « faim ». Evitons en effet de tomber dans le travers d’une lecture déterministe de la « crise » qui présuppose un lien mécanique entre situation de manque et sa traduction en révolte plus ou moins ouverte.
L’appellation « émeute de la faim » peut être trompeuse. D’une part parce que, dans les milieux les plus déshérités, ces formes de protestations collectives constituent bien plus l’exception que la règle. D’autre part, parce que les cibles de ces explosions urbaines sont généralement multiples, leurs participants pas toujours issus du bas de l’échelle sociale et les motifs qui poussent à l’action, couvrent un éventail bien plus large que la seule satisfaction immédiate d’un besoin.
Au cours de ces épisodes émeutiers, au registre de l’émotion ou de la frustration, s’associent souvent d’authentiques revendications sociales et politiques dont la portée et la signification dépassent les motivations les plus apparentes. Révélatrices des tensions qui parcourent les sociétés du Sud, ces « émeutes » ne doivent pas être lues et interprétées comme de simples accidents conjoncturels, isolables dans le temps et l’espace, mais replacées dans un continuum ou une généalogie de luttes et de résistances ancrées dans des contextes sociaux, politiques, culturels spécifiques et variés.
Il nous fallait enfin, pour compléter le tableau, rendre justice aux autres types de réactions populaires engendrées par la flambée des prix. Et pour ce faire, élargir la perspective. Passer, autrement dit, d’une géographie de l’émeute à une géographie de la protestation, ceci afin de mettre en évidence la grande diversité des résistances, des registres d’action collective et des lieux d’expression de l’insatisfaction dans le Sud.
Car si les médias internationaux ont essentiellement porté leur attention sur les émeutes urbaines du fait de leur simultanéité et de leur caractère spectaculaire, ils ont largement fait l’impasse sur les autres types de mobilisations, notamment en milieu rural et en dehors de cette fameuse « ceinture de pauvreté » définie par la FAO. Plus conventionnelles certes, moins bruyantes sans doute, ces luttes sont tout aussi significatives pour comprendre les enjeux multiples liés à la question alimentaire, tant sur le plan national que sur le plan international. Dresser un panorama de ces mobilisations collectives dans leur diversité et toute leur complexité, les ancrer dans les réalités nationales, les appréhender au regard des tendances mondiales, tel est le pari de cette édition 2009 d’« Etat des résistances dans le Sud ».
Racines de la crise
Un concours de circonstances, un effet de conjoncture, une combinaison malheureuse et inopinée de facteurs aggravants, chacun se voyant attribuer un rôle plus ou moins déterminant selon la lecture qui est faite de la crise, telle est la raison la plus souvent évoquée par les experts et les médias pour rendre compte de l’actuelle problématique alimentaire : hausse des coûts de l’énergie ; changement climatique ; explosion de la demande due aux nouvelles habitudes de consommation dans les pays émergents ; baisse de l’offre suite aux mauvaises récoltes dans quelques grands pays exportateurs (Australie, Brésil, Ukraine, etc.) ; épuisement des stocks internationaux, au plus bas depuis la Seconde guerre mondiale ; anticipation sur les prix et spéculation sur les denrées alimentaires, devenues valeurs refuges dans un climat économique et financier morose ; volonté de certains pays exportateurs de réserver leur production au marché intérieur ; baisse du dollars ; et surtout, course aux agrocarburants, présentés autrefois comme recette miracle contre le changement climatique [2] .
Certes, ces facteurs ont joué à différents niveaux dans la hausse soudaine des prix alimentaires, mais, pas plus que les seuls facteurs endogènes (sécheresse, guerre civile au Kenya, blocus des territoires palestiniens, etc.), ils n’épuisent toute l’explication de la crise alimentaire.
Ne nous laissons pas abuser par le caractère spectaculaire de la hausse des prix qui alimente les peurs néomalthusiennes d’une pénurie généralisée de biens alimentaires face à une démographie galopante. Ces cinquante dernières années, la production alimentaire et agricole mondiale a en réalité augmenté aussi vite, sinon plus vite que la croissance démographique [3] . Dans le cas présent, alors que depuis quelques années des niveaux de production record étaient enregistrés et seront encore atteints à l’avenir, il aura suffi d’un rien – baisse relativement faible de la production dans quelques grands pays exportateurs conjuguée à des phénomènes d’anticipation – pour provoquer un emballement disproportionné des prix sur les marchés internationaux.
Mais là encore, cette poussée n’est en rien exceptionnelle, si ce n’est peut-être sa rapidité, d’autant qu’elle intervient après une longue période de baisse tendancielle des prix agricoles et alimentaires : « Cette situation, explique Sylvie Brunel, rappelle les précédents de 1973-1974 et de 1996, qui sont aussi des périodes de tensions sur les prix ». Et l’économiste d’ajouter : « Ce qui est nouveau, c’est qu’elle met en évidence l’extrême vulnérabilité et la dépendance de nombreux pays en développement à l’égard de leurs importations alimentaires » (2008).
A l’évidence, si la conjoncture a eu des conséquences aussi désastreuses dans le Sud, c’est que le terrain y était préparé. La mémoire médiatique est courte. Déjà, dans les années 1980-1990, les pays en développement ont été le théâtre de nombreuses émeutes urbaines… près d’une cinquantaine. Plus récemment, le Niger (2005), le Bangladesh (2006), la Mauritanie, la Guinée ou encore le Mexique et le Maroc (2007) ont connu des troubles similaires, bien que ces deux derniers pays ne figurent pas dans la liste des pays dits « vulnérables » de la FAO.
Une autre manière de poser la question est comment en est-on arrivé là ? Comment certains pays, autrefois autosuffisants, se sont-ils retrouvés dans une telle dépendance ? Si la métaphore naturaliste utilisée par le Commissaire européen au développement Louis Michel, qui parle d’un « tsunami économique et humanitaire » pour qualifier les récents événements, exprime bien la gravité de la situation, elle n’en est pas moins fallacieuse. Car cette « crise alimentaire » était parfaitement prévisible. Ses racines sont profondes. Et son ampleur dans les pays du Sud tient bien plus aux options politiques et économiques qui ont été prises, renforçant une vulnérabilité devenue peu à peu structurelle, qu’au seul effet de conjoncture ou à un simple accident de parcours. Crise non pas tellement de manque, mais d’accès à la nourriture pour les pays et les groupes les plus pauvres, elle trouve principalement son origine dans la transformation des secteurs agricoles nationaux aux cours des dernières décennies.
Pour bien saisir cette évolution, un bref retour en arrière s’impose. Début 1980, éclate la crise de la dette. Afin d’alléger un budget déjà largement ponctionné par le « service » de cette dernière, la plupart des Etats du Sud sont poussés par les institutions financières internationales à ajuster leur économie. Les recettes sont connues : austérité budgétaire, privatisation des services publics, coupes nettes dans les dépenses sociales, ouverture aux échanges et aux capitaux étrangers, etc.
Jugé coûteux et peu productif, le secteur agricole est lui aussi l’objet de réformes de fond. Les pays en développement sont invités à déréguler leurs marchés agricoles, à ouvrir grand leurs frontières aux importations (alimentaires notamment) et à démanteler leurs politiques d’assistance au secteur, voire les institutions publiques chargées d’encadrer les producteurs. Parallèlement, il leur est demandé de se recentrer sur la production et l’exportation de produits à plus haute valeur ajoutée (sources de devises sur les marchés internationaux) et pour lesquels ils disposent d’avantages comparatifs indéniables (main-d’œuvre abondante et bon marché, conditions d’exploitation favorables, facilités d’accès aux ressources, etc.), au détriment des cultures vivrières.
Pour les concepteurs de ces politiques néolibérales, la sécurité alimentaire n’était pas réellement mise en danger dans la mesure où les marchés internationaux se chargeraient, en théorie, d’approvisionner les marchés locaux – urbains en particulier – en produits alimentaires à bas prix, en particulier ceux des agricultures du Nord (Etats-Unis et Europe principalement) en situation de surproduction, et d’autant plus compétitives qu’elles bénéficient d’une généreuse politique d’aide publique (subsides à l’exportation d’abord, remplacés ensuite par des aides directs à leur producteurs).
Ainsi, John Block, secrétaire d’Etat à l’agriculture sous Ronald Reagan, déclarait dans les années 1980 : « L’idée que les pays en développement devraient se nourrir eux-mêmes est un anachronisme d’un autre âge. Ils pourraient nettement mieux assurer leur sécurité alimentaire en comptant sur les produits US, disponibles à moindre coût » (cité par Bello, 2008).
En d’autres mots, tout le monde devait profiter de l’ouverture et de la dérégulation des marchés agricoles : le Nord parviendrait à écouler ses excédents, tandis que les pays du Sud amélioreraient leur situation économique sans avoir à se préoccuper de leur sécurité alimentaire, celle-ci étant désormais assurée par les marchés. C’est dans le même esprit que seront signés les divers accords de libre-échange régionaux, bilatéraux et birégionaux, de même que les accords de Marrakech (1995) qui établiront, avec la création de l’OMC, un cadre global pour la libéralisation des échanges agricoles.
Ce « laisser-faire » aura des conséquences dévastatrices pour les pays du Sud. En portant les prix à un niveau artificiellement bas, sans rapport aucun avec les coûts de production, la concurrence internationale bouleversera profondément les économies rurales locales et laminera le petit paysannat, devenu incapable de tirer un revenu suffisant de son activité, au point de gravement mettre à mal la sécurité alimentaire de nombreux pays.
Le cas d’Haïti est emblématique. A la fin des années 1980, dans le cadre du plan Caraïbe concocté par les institutions internationales et l’administration Reagan, le pays abandonne la quasi-totalité de son agriculture vivrière aux coûts de production jugés à l’époque « prohibitifs ». Sommé d’ouvrir grand ses frontières pour mieux s’insérer dans l’économie mondiale, le gouvernement haïtien supprime en quelques années à peine les droits de douane sur plusieurs produits alimentaires (entre autres sur les céréales et les légumineuses), pour concentrer ses efforts sur le développement de cultures plus facilement exportables vers les Etats-Unis ou l’Europe (arbres fruitiers notamment). Quant aux usines et ateliers d’assemblage censés s’implanter dans le pays – et promis par les concepteurs du plan –, attirés par des « conditions favorables », ils se chargeront d’absorber la main-d’oeuvre rurale excédentaire.
Les conséquences de cette politique se sont rapidement révélées catastrophiques : « Du jour au lendemain, les paysans haïtiens, poids plume de l’agriculture mondiale, ont dû boxer sur le même ring que les poids lourds américains, dont l’agriculture est largement subventionnée. Les importations se sont envolées et les prix se sont effondrés aussi vite que les revenus des paysans. Résultat, alors que dans le passé, l’agriculture haïtienne subvenait à peu près aux besoins de la population, le pays importe aujourd’hui près de 60 % de son alimentation. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’à la moindre évolution des cours sur les marchés mondiaux, les ‘émeutes de la faim’ se déclenchent comme un feu de paille » (Husson, 2008).
Incapables de concurrencer des importations bon marché aux coûts de production bien inférieurs aux leurs, les paysans haïtiens, mais aussi philippins, égyptiens, nigériens, indiens, sénégalais, mexicains, etc., ont vu en quelques années fondre leur revenu comme neige au soleil. Et se sont retrouvés piégés dans une spirale d’endettement et d’appauvrissement. Mis sous pression par les marchés internationaux, moins encadrés et soutenus que par le passé, beaucoup n’ont eu d’autre choix que de vendre leur force de travail aux grands propriétaires terriens et aux entreprises agro-industrielles qui ont su profiter pleinement de l’ouverture et de la libéralisation des échanges agricoles (accès à de nouveaux marchés, disponibilité en main-d’œuvre, possibilité de concentrer de nouvelles et les meilleures terres rachetées pour une bouchée de pain aux paysans appauvris, etc.) ou de s’exiler vers les agglomérations urbaines où ils sont venus gonfler des bidonvilles que la campagne arrive désormais de plus en plus difficilement à nourrir.
Aussi, l’ouverture du marché mexicain au maïs importé des Etats-Unis aurait poussé près de 1,3 million de paysans à quitter les campagnes entre 1994, date de la signature de l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain), et 2003. Autrefois autosuffisant, le pays importe désormais près de 30% du maïs nécessaire à sa consommation des Etats-Unis. Dans ce cas-ci, la décision des Etats-Unis de produire massivement des agrocarburants à base de maïs, combinée aux jeux spéculatifs des principales entreprises importatrices en situation de quasi monopole, va provoquer en quelques mois une augmentation de près de 60% du prix de la tortilla, à l’origine des émeutes de 2007.
L’entrée des Philippines dans l’OMC a eu des conséquences tout aussi catastrophiques sur la paysannerie locale. La suppression des quotas sur les importations du riz et la décision du gouvernement Aquino de réduire drastiquement les aides aux producteurs pour alléger le budget national, ont fait chuté la population active dans les campagnes de 400 000 personnes entre 1994 et 2001. Ce alors que le gouvernement promettait que les éventuelles pertes d’emplois seraient bien plus que compensées par la création de 500 000 postes supplémentaires dans les campagnes, grâce à l’émergence d’une industrie agroexportatrice basée sur des productions à « plus haute valeur ajoutée » (choux-fleurs, brocolis, asperges, etc.). Exportateur net de riz sous le régime autoritaire de Marcos (1965-1986), les Philippines en importent désormais d’importantes quantités de Thaïlande pour la consommation domestique (Bello, 2008). Que survienne, dans ces conditions, une brusque envolée des cours internationaux du riz, et ce sont les populations des villes, grossies par l’arrivée massive de paysans appauvris, qui en pâtiront les premières.
Cela dit, comme le souligne à juste titre Sylvie Brunel, « accuser les pays du Nord et les institutions financières internationales d’avoir voulu affamer les pays en développement, […], relève bien plus de l’opportunisme événementiel que d’une réalité » (2008). Les pays industrialisés et les institutions internationales ne portent pas seuls la responsabilité de l’érosion du paysage agricole dans les pays du Sud. Soucieux de maximiser leurs intérêts économiques et politiques à court terme, « les pays en développement, bien avant la crise de la dette, ont été les premiers à sacrifier leur paysannerie sur l’autel de l’urbanisation, de l’industrialisation et de la paix sociale » (ibid.).
Depuis les années 1960 en effet, la plupart des gouvernements du Sud ont intentionnellement négligé le développement et le renforcement de l’agriculture familiale et vivrière, jugée peu importante d’un point de vue stratégique, pour concentrer leurs investissements et leurs efforts dans des programmes d’industrialisation à marche forcée. Au risque de mettre à mal un secteur représentant alors la très grande majorité de la population active et d’accroître leur dépendance alimentaire, cette modernisation par le haut s’est appuyée sur l’importation massive de denrées alimentaires à bas prix [4] , comme moyen, dans une logique clientéliste, d’acheter la paix sociale en ville et d’y modérer les salaires en vue de faciliter le processus d’industrialisation.
L’importation de denrées alimentaires avait en outre cet autre avantage de rapporter de providentielles taxes pour ces gouvernements sans le sou et en mal de légitimité. Dans de nombreux cas (Brésil, Argentine, Indonésie, Thaïlande, Egypte, Côte d’Ivoire, Kenya, etc.), ce processus s’est également accompagné d’une politique orientée vers le développement des monocultures d’exportation héritées de la période coloniale, aux dépens des cultures vivrières (Friedmann, 2008 ; Mazoyer et Roudart, 2002). Plus tard, durant la phase néolibérale, nombreux sont les gouvernements qui ont en outre eux-mêmes pris l’initiative de déréguler leur marché agricole, sans attendre les directives des institutions internationales. Ne pas voir les responsabilités locales dans la détérioration de la situation, c’est s’empêcher de comprendre la signification et la « portée » réelles des mobilisations sociales et populaires dans le Sud.
Mobilisations : acteurs, formes, enjeux…
Si l’origine de la « crise alimentaire » est principalement à situer dans la restructuration du paysage agricole et l’érosion de l’agriculture familiale au cours des 20, 30, voire 50 dernières années, c’est dans les villes que les effets les plus immédiats de la hausse des prix se sont fait sentir. C’est là aussi que les réactions populaires face à l’envolée des prix ont été les plus vives. Non sans raison. A mesure que s’est poursuivi le triple processus d’exode rural, d’urbanisation et d’extraversion économique, les villes du Sud ont fini par dépendre presque exclusivement des importations de denrées alimentaires pour nourrir une population toujours plus nombreuse, et désormais à la merci de la moindre oscillation des cours internationaux.
Amplifiées par la caisse de résonance médiatique, les protestations urbaines ne doivent toutefois pas faire oublier que la problématique alimentaire touche davantage les campagnes qui représentent, faut-il aussi le souligner, la plus grande partie de la population en situation d’extrême pauvreté [5] . Mais ouvrons d’abord la focale sur les protestations urbaines.
Protestations urbaines
Signalons-le d’emblée, appréhender d’un seul tenant les nombreuses expressions de mécontentement en milieux urbains face à la hausse des prix relève de la gageure. Car, en la matière, c’est bien la diversité qui domine : diversité des lieux, des situations et des contextes de mobilisation, diversité des formes et des répertoires d’action, diversité des participants et des acteurs en présence, diversité des motifs, etc. Quoi de commun en effet entre les émeutes de Port-au-Prince ; les éclats sporadiques de violence à Abidjan ou a Karachi ; les affrontements meurtriers entre jeunes chômeurs et forces de l’ordre dans les petites villes de Sidi Ifni en Tunisie et Gafsa au Maroc ; la longue grève des transporteurs routiers à Managua pour une diminution du prix de l’essence ; celle des ouvriers du textile au Bangladesh et en Egypte, ou celles générales et intersectorielles organisées au Salvador, au Guatemala, en Inde ou en Afrique du Sud, si ce n’est leur concomitance.
Tantôt réactives tantôt revendicatives ; tantôt spontanées tantôt structurées ; tantôt éparses tantôt canalisées ; frémissements de surface ou lames de fond, ces protestations urbaines se laissent difficilement enfermer dans un canevas interprétatif unique. D’abord parce que leur nature et leur portée dépendent fortement – sans pour autant s’y réduire totalement – des contextes nationaux dans lesquels elles s’ancrent, caractérisés par des logiques conflictuelles propres. Ensuite, parce que les enjeux qui les font naître les éloignent souvent de la seule problématique alimentaire.
Dans ce contexte de hausse de prix, plusieurs catégories sociales se sont en effet mobilisées autour de thèmes variés et de causes diversifiées. Prolongeant souvent des luttes beaucoup plus anciennes, ces mobilisations révèlent surtout les fortes tensions (sociales, économiques, politiques, culturelles, ethniques, etc.) qui traversent des univers urbains extrêmement fragmentés et toujours plus inégalitaires.
A l’évidence, la conjoncture actuelle n’est pas nécessairement vécue dans les villes du Sud comme un phénomène exclusif ou exceptionnel. Elle accentue tout au plus la pression sur des populations urbaines qui connaissent un processus d’informalisation accélérée et une détérioration croissante de leurs conditions de vie, surtout depuis l’ajustement sectoriel des villes dans les années 1980 et 1990, à l’origine déjà d’« émeutes de la faim » (Delcourt, 2007).
Comme l’indique dans cet ouvrage Michel Luntumbue à propos de la République démocratique du Congo, par un commentaire que l’on pourrait étendre à de nombreux pays et villes du Sud, cette crise « s’inscrit dans le contexte d’une crise antérieure dont elle épouse les contours. Les effets prolongés de la première crise masquent la seconde et en rendent l’appréhension problématique ». Cette crise, pour reprendre le subtil jeu de mot de l’auteur, ne fait qu’« en-châsser » une autre, bien plus profonde.
Une tendance peut cependant être dégagée dans cette constellation de mobilisations urbaines, qui mérite ici toute l’attention : l’émergence et la multiplication en Afrique noire, en Egypte et au Maghreb, de « coalitions contre la vie chère », le plus souvent en dehors des habituels canaux d’expression et des traditionnels relais politiques. Hétéroclites dans leur composition – on y retrouve des associations de consommateurs, d’étudiants, de chômeurs, des organisations confessionnelles et de petits commerçants, des ONG, des groupes de défense des droits de l’homme, des représentants des communautés de base, des partis d’opposition et des syndicats –, ces « coalitions » signalent l’apparition sur la scène publique d’un nouvel acteur collectif qui n’a d’autre choix que d’utiliser la rue comme lieu d’expression. Actives tantôt au niveau local autour d’enjeux spécifiques, tantôt à l’échelle nationale, elles témoignent aussi, par-delà les revendications matérielles immédiates, du mécontentement croissant de larges secteurs de la population vis-à-vis des systèmes politiques nationaux.
Dans de nombreux cas en effet (Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Niger, Cameroun, Burkina Faso, etc.), les marches contre la vie chère organisées à l’initiative de ces coalitions, en lien étroit avec des forces d’opposition plus traditionnelles (syndicats, partis politiques d’opposition, etc.), ont pris l’allure de véritables manifestations antigouvernementales, où étaient dénoncés pêle-mêle l’incurie, la corruption, le manque de gouvernance, l’absence de dialogue, le manque de liberté individuelle et collective, l’autoritarisme ou encore l’indifférence des autorités publiques, tenues pour largement responsables de la situation.
Plus que de simples réactions défensives, ces marches ont cristallisé aussi l’aspiration à des changements politiques de fond [6]. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’association étroite entre revendications économiques et politiques était d’autant plus apparente là où les rênes du pouvoir avaient été confisquées depuis de longues années.
Face à ces mobilisations, les gouvernements ont cherché à se dédouaner en invoquant des facteurs extérieurs indépendants de leur volonté (hausse internationale des prix, catastrophes naturelles, injustice du système économique international, etc.). C’était pourtant bien eux que la rue visait directement (Harsch, 2008). Ce qui explique d’ailleurs la rapidité et la brutalité de la riposte gouvernementale et les affrontements violents qui s’en sont suivis. Les expériences nigérienne et guinéenne étaient sans doute encore dans les mémoires. Des coalitions similaires étaient parvenues, respectivement en 2005 et 2007, à arracher des changements politiques significatifs (Etats des résistances dans le Sud, 2007).
Mobilisations paysannes
Cette crise alimentaire a aussi fait des heureux : les entreprises agroexportatrices et l’agrobusiness ont pleinement profité de la hausse des cours. La conjoncture de prix élevés, depuis le début des années 2000, leur a permis non seulement d’accumuler des bénéfices substantiels, mais aussi de renforcer leur position économique. Il n’en va pas de même pour les petites exploitations familiales pour lesquelles les bénéfices potentiels de la conjoncture ont été annulés par l’envolée des coûts de production (hausse du prix du carburant, de la terre, du fermage, des intrants agricoles comme les semences, etc.), des transports, les pratiques abusives des négociants en situation de quasi monopole dans les zones reculées ou encore une situation dramatique d’endettement.
Au-delà des effets de conjoncture, rappelons une nouvelle fois la double tendance historique, généralisable aux trois continents (Afrique, Amérique latine, Asie), qui a profondément appauvri et désarticulé les sociétés paysannes : la baisse tendancielle des revenus agricoles, aggravée par l’ouverture des marchés, et le renforcement concomitant d’un modèle productiviste axé sur les monocultures d’exportation et les grands projets industriels et d’infrastructure qui accentuent la pression sur la terre et les ressources naturelles (eau, forêts, etc.). C’est contre cette double tendance délétère pour le monde de la petite et moyenne paysannerie que mouvements sociaux ruraux, paysans et indigènes se mobilisent depuis plusieurs années, utilisant tour à tour un registre d’action défensif, offensif et revendicatif.
Dans les pays émergents, les projets de modernisation économique (concessions minières et pétrolières, construction de barrages, création de zones franches, etc.) et leurs corollaires (expulsion, spoliation, etc.) sont à l’origine d’une multiplication des résistances dans le monde rural, les unes spontanées, les autres encadrées par des organisations ayant pignon sur rue au niveau local ou national. En Inde, en Chine, en Indonésie ou aux Philippines par exemple, les zones franches ou zones économiques spéciales, créées à l’initiative des gouvernements pour attirer les investissements étrangers et favoriser l’expansion économique, sont actuellement le théâtre d’une série de conflits entre les populations rurales (indigènes et paysannes) d’une part, obligées de céder leur terre à un prix dérisoire ou contre de vagues promesses de réinstallation, les autorités publiques et les grands groupes privés d’autre part [7] .
Ce type de conflit s’intensifie également en Amérique latine, où la lutte contre le modèle agricole néolibéral et ses avatars a pris dans plusieurs pays (Mexique, Paraguay, Brésil, etc.) une vigueur nouvelle dans le contexte de crise. Ainsi, les organisations paysannes brésiliennes, associées pour l’occasion aux principales coordinations urbaines, ont lancé, en juin 2008, dans près de 13 Etats, une série de mobilisations. Ciblées contre des projets d’infrastructure (ports, centrales hydroélectriques, etc.), des supermarchés, des multinationales agroalimentaires, de grandes exploitations agricoles (de cannes à sucre ou autres), etc., elles incluaient, entre autres répertoires d’action, des marches, des blocages routiers ou encore des occupations de terre.
Par cet ensemble coordonné d’actions, il s’agissait pour les mouvements et organisations mobilisés (MST, MAB, CPT, etc. [8] ) de dénoncer l’orientation des politiques agricoles du gouvernement Lula (politique de soutien à l’agrobusiness et aux secteurs agroexportateurs, promotion des OGM et des agrocarburants, etc.), de réclamer une réforme agraire effective, ainsi que des programmes de soutien à l’agriculture familiale et vivrière. Des politiques publiques d’appui à la petite agriculture familiale qui sont revendiquées également par la plupart des coalitions paysannes africaines. A l’instar de leurs homologues asiatiques et latinoaméricaines, elles ne cessent également de dénoncer l’abandon et le manque d’investissement de l’Etat dans le secteur, la politique de libéralisation et les subventions qui grèvent dramatiquement les revenus. Signe des temps, au plus fort de la crise, ces coalitions ont créé à Addis Abeba une plate-forme panafricaine commune pour défendre les intérêts des exploitations familiales agricoles et des producteurs [9] .
La « crise » a enfin été l’occasion pour les organisations paysannes de faire progresser au sein des opinions publiques la question de la « souveraineté alimentaire », concept mobilisateur clé du réseau international Via Campesina. Conçue comme solution globale à la crise actuelle et aux crises à venir, la souveraineté alimentaire prend exactement le contre-pied des théories libérales fondées sur les avantages comparatifs. Envisagée comme un droit international, elle signifie la possibilité pour un pays ou un groupe d’Etats de définir démocratiquement et de façon autonome les politiques les mieux adaptées aux besoins de leurs populations.
A la notion de « sécurité alimentaire », qui renvoie à la quantité d’aliments produits sur le plan national et à leur disponibilité, elle ajoute également une dimension sociale et environnementale : meilleure répartition de la terre, au besoin au moyen d’une réforme agraire, protection et renforcement des exploitations familiales et vivrières, préservation des cadres de vie, réflexion sur le type de production et la manière dont les aliments sont produits, en privilégiant notamment, contre les OGM, l’agriculture biologique et l’utilisation de semences locales.
Réponses gouvernementales à la crise
Les réactions des autorités publiques face à la crise doivent être analysées à l’aune de la nature des rapports entre Etats et sociétés civiles. D’une part, parce que le type de réponses concrètes va généralement dépendre de la capacité de la société civile à peser sur le cours des décisions publiques. D’autre part, parce que les réponses gouvernementales vont le plus souvent s’inscrire dans des stratégies politiques visant à canaliser ou à désamorcer la grogne populaire.
Relatant la hausse des prix alimentaires et les « émeutes de la faim » auxquelles elle a donné lieu au Maroc, au Yémen, en Ouzbékistan, en Mauritanie, en Guinée et au Sénégal, le représentant d’un grand organisme international confiait lors du Forum économique de Davos en janvier 2008 : « Ces phénomènes inquiètent bien davantage les gouvernements que l’augmentation du prix de l’essence » (Lemaître, 9 février 2008). Bien plus que l’impact économique direct de la hausse des prix de l’énergie, beaucoup redoutaient en effet les conflits sociaux et les risques politiques associés pouvant résulter de l’envolée des prix alimentaires, en particulier là où les gouvernements se caractérisent par un déficit de légitimité.
Dans l’ensemble, c’est bien cette appréhension, bien plus qu’une volonté réelle de remédier à la situation des populations les plus directement affectées, qui a amené les autorités à réagir au quart de tour, en adoptant dans l’urgence un ensemble de mesures pour éviter que le mécontentement croissant de la population ne se traduise en manifestations de masse, politiquement dangereuses.
En Asie, les gouvernements ont pour la plupart anticipé les événements. Guettant les premiers signaux d’insatisfaction, la Thaïlande, le Vietnam, l’Inde ou encore la Chine ont d’emblée opté pour une stratégie de repli sur soi, soit en restreignant les quotas exportés, soit en augmentant les taxes sur les exportations, pour assurer l’approvisionnement des marchés intérieurs. Aux Philippines, pour apaiser la rue, déjà largement mobilisée, les autorités ont procédé à des distributions massives de riz dans les quartiers populaires.
Là comme dans d’autres pays asiatiques, devenus importateurs nets, une politique de stabilisation et de contrôle des prix alimentaires a été lancée : suppression provisoire des taxes sur les importations, utilisation des stocks stratégiques, achats coûteux de denrées sur les marchés internationaux, imposition de prix maxima de vente jusque dans les supermarchés, etc. Ces initiatives ont semble-t-il atteint en partie leur but. A l’exception de quelques pays (Philippines, Malaisie, Bangladesh, Indonésie), où les mobilisations ont du reste été rapidement circonscrites, l’Asie n’a pas réellement été le théâtre d’une vague massive de protestations populaires directement liées à la flambée des prix.
Pris de court par les événements et – il est vrai – moins armés pour faire face à la crise, les gouvernement africains, à de rares exceptions près (Ethiopie, par exemple), se sont montrés beaucoup moins volontaristes dans un premier temps. Face aux revendications de la rue, ils ont majoritairement privilégié l’option répressive. Là où les sociétés civiles sont les plus faibles et les moins organisées, les quelques tentatives de mobiliser sur la question alimentaire ont directement été étouffées dans l’œuf. Ailleurs, l’Etat n’a pas hésité à déployer toute sa batterie répressive, amorçant ainsi un nouveau cycle de violence-répression.
Face à la détermination des protestataires et conscients des risques politiques encourus, plusieurs gouvernements se sont finalement résolus à ouvrir le dialogue, principalement avec les organisations de la société civile « officielle », et à adopter quelques mesures d’urgence s’adressant principalement aux populations urbaines (suppression des taxes sur les produits de premières nécessité, hausse sectorielle des salaires, en particulier ceux des fonctionnaires, indemnités pour les jeunes diplômés, etc.), parfois à titre purement symbolique, comme au Sénégal, où la décision a été prise de limiter le salaire des parlementaires.
Dans une poignée de pays (Nigeria, République démocratique du Congo, Sénégal), ont également été annoncés tambour battant d’ambitieux plans de développement agricole pour garantir à l’avenir une meilleure sécurité alimentaire, voire, comme au Burkina Faso, la mise en œuvre d’une véritable politique sociale contre la vie chère. Se pose toutefois la question des moyens d’une telle ambition, tant la vulnérabilité des pays africains aux chocs externes est grande et leurs capacités budgétaires sont faibles.
Dans les pays du Maghreb et en Egypte, les gouvernements ont pour leur part agit sur plusieurs tableaux, jouant alternativement la carte de la répression, celle de l’ouverture et celle des mesures d’apaisement. Après avoir menacé de répression toute mobilisation, les autorités tunisiennes, marocaines et encore égyptiennes, craignant la contagion protestataire, ont manœuvré avec beaucoup plus de souplesse, cherchant à adapter leurs réponses en fonction de la tournure prise par les événements.
En Egypte par exemple, où la grève sectorielle et localisée des ouvriers du textile de la ville de Mahalla s’est peu à peu transformée en grève générale contre la vie chère, rejointe par de larges secteurs des classes moyennes à l’appel notamment du mouvement Kifaya. Face à cette jonction inattendue, le gouvernement qui avait au départ fait preuve de la plus grande fermeté face aux revendications ouvrières, a fini par lâcher du lest et décidé d’augmenter les salaires des ouvriers de 50%, et ceux de la fonction publique de 30%. Une concession inhabituelle, destinée principalement à préserver, derrière une apparente ouverture, le statu quo social et politique.
Comme l’explique Sarah Ben Néfissa dans cet ouvrage, « ces décisions sont révélatrices de la nouvelle attitude des pouvoirs publics égyptiens face aux mobilisations de type social : une volonté de ‘calmer le jeu’ en tentant de répondre de manière partielle aux demandes tout en veillant à surveiller toute politisation de ces actions collectives et toute jonction possible entre les activistes sociaux et les activistes politiques. » Tout comme au Maroc ou en Tunisie, des mesures temporaires ont également été prises par les autorités égyptiennes pour renforcer l’accès à la nourriture : augmentation des quotas de farine subventionnée, multiplication du nombre de points de distribution de pain dans les grandes villes, accroissement de la production des boulangeries d’Etat, élargissement de la catégorie des « ayants droit », etc.
Le cas de l’Amérique latine mérite aussi une attention particulière. A l’exception notable de Haïti et du Mexique, la plupart des pays latino-américains n’ont pas connu de mobilisations de grande ampleur. Des manifestations intersectorielles et des grèves générales ont bien eu lieu dans plusieurs pays d’Amérique centrale (Salvador, Guatemala, Honduras), mais la thématique alimentaire n’y apparaissait qu’en creux, fondue dans un large panel de revendications diverses. Ailleurs, on a surtout assisté à des mobilisations sectorielles portant sur des revalorisations de salaires.
Fait significatif, c’est là où les gouvernements ont été portés au pouvoir grâce à la mobilisation de larges secteurs populaires que la société civile et les mouvements sociaux se sont montrés les plus discrets, s’abstenant de mobiliser massivement sur le thème de la crise alimentaire. Une réserve qui s’explique notamment par les fortes attentes placées dans ces gouvernements. Ainsi, selon Marielle Palau, au Paraguay, « le climat post-électoral et les attentes à l’endroit du nouveau gouvernement ont contribué à la modération des interpellations ». Il est vrai que Fernando Lugo, fraîchement élu, avait axé sa campagne sur les thèmes de la sécurité et de la souveraineté alimentaire, la participation de l’ensemble des secteurs sociaux à l’élaboration des politiques publiques, la réforme agraire ou encore l’appui et le renforcement de l’agriculture familiale et vivrière, autant de mesures revendiquées depuis longtemps par les mouvements sociaux paraguayens.
De même, en Bolivie, dans un contexte politique extrêmement tendu et polarisé, les mouvements populaires semblent avoir privilégié largement les enjeux politiques du moment aux préoccupations matérielles immédiates, en apportant massivement leur soutien au gouvernement Morales mis en difficulté par la fronde des gouverneurs de l’Est du pays. Seuls les partisans de ces derniers ont tenté d’exploiter la situation pour rallier la population à leur cause … sans atteindre réellement leur but jusqu’à présent.
Mais les pays latino-américains qui ont sans doute le plus été épargnés par la crise et ses conséquences sociales sont ceux où les politiques publiques mises en œuvre par les gouvernements progressistes ont pleinement joué leur rôle, en évitant que la hausse des prix ne soit trop durement ressentie par les populations les plus exposées. Aussi limité soit-il, il ne fait guère de doute que le programme « Bolsa Familia », adopté par le gouvernement Lula, qui prévoit l’octroi sous certaines conditions d’un revenu complémentaire aux familles les plus pauvres, a permis d’alléger substantiellement la facture alimentaire [10]. Hausse des prix amortie également au Venezuela où un réseau très dense de magasins subsidiés et l’octroi de bons alimentaires aux salariés, financés grâce aux revenus pétroliers, permettent désormais aux catégories sociales les plus pauvres de bénéficier d’une nourriture variée et bon marché.
Dans ce pays, fortement dépendant des importations et ayant connu déjà dans le passé des émeutes frumentaires (le fameux Caracazo en 1989), la question de la souveraineté alimentaire, de la réforme agraire et du renforcement de l’agriculture familiale et vivrière a également été mise au centre de l’agenda politique du gouvernement. Mais le discours officiel qui fait de la « lutte contre les latifundios » l’un de ses chevaux de bataille ne doit pas masquer une réalité nettement plus prosaïque, qui souligne la difficulté de concilier rente pétrolière et autosuffisance alimentaire.
Le boom pétrolier, combinée à une stricte politique de contrôle des changes visant à modérer l’inflation et éviter la fuite des capitaux, y rendent en effet les importations alimentaires relativement bon marché, au risque de mettre à mal la compétitivité des petits producteurs, d’accroître l’exode rurale et de renforcer la dépendance alimentaire du pays – le pays importe en effet près de 75% des aliments pour son marché domestique –, ce en dépit des tentatives du gouvernement Chavez de remédier à cette situation par une politique volontariste de diversification agricole et économique.
Quant à la réforme agraire, elle n’a pas été exempte d’erreurs et d’errements dans sa mise en œuvre. Ainsi, comme l’explique un agronome de l’Université centrale du Venezuela, « des terres ont été assignées et des ressources ont été distribuées, mais dans un climat d’improvisation, sans compréhension des dimensions techniques des décisions, sans intégrer l’investissement économique au besoin du marché » (cité par Saint-Upéry, 2007).
Cela dit, sans préjuger de l’échec ou du succès à plus long terme de ces mesures, elles n’en témoignent pas moins d’une réelle volonté de modifier radicalement l’orientation des politiques agricoles et alimentaires, à l’inverse de la plupart des pays du Sud dont les initiatives s’attaquent non pas aux causes mais aux conséquences du problème : pas de projets de grande ampleur, pas de réformes d’envergure, pas d’initiatives portées vers un réel changement structurel. Singulièrement, l’agriculture familiale et vivrière, éternel parent pauvre des politiques publiques, s’est retrouvée à nouveau hors de portée de ces mesures axées principalement sur les besoins urbains. Et le gouvernement thaïlandais, par exemple, de justifier le statu quo en déclarant sans discernement que la hausse des prix ne pouvait être que positive pour le secteur rural.
Défi de la souveraineté alimentaire
Tenu à Rome en juin 2008 afin de trouver des solutions communes à la crise alimentaire, le Sommet de la FAO a surtout été l’occasion pour les participants d’étaler leurs profondes divergences : divergences de vue pratiquement inconciliables sur les agrocarburants, sur les subsides et les aides agricoles, sur le type de politique alimentaire à mettre en œuvre, etc. Aussi, les espoirs placés dans ce sommet ont-ils rapidement fait place à la désillusion.
A son actif, une série de promesses des Etats du Nord d’augmenter leur aide alimentaire d’urgence et leur soutien au développement agricole [11] , des appels à plus de responsabilité des Etats dans la gestion de leurs politiques alimentaire et agricole, une préoccupation nouvelle quant à l’avenir de l’agriculture familiale et vivrière et, finalement une Déclaration a minima qui, tout en aplanissant les nombreux conflits d’intérêts – économiques et politiques – entre les pays, les engage à « éliminer la faim et à garantir la sécurité alimentaire pour tous, aujourd’hui et demain ». Objectif audacieux certes, mais qui ne fait que reprendre des engagements anciens et maintes fois réitérés depuis.
Adoptée à l’unanimité par l’ensemble des Etats présents – moins l’abstention remarquée du Venezuela, de Cuba et de l’Argentine –, la Déclaration reste évasive sur la problématique des agrocarburants, n’abordent que prudemment la problématique de l’aide des pays du Nord à leur secteur agricole, s’abstient d’interroger le modèle agroexportateur en vigueur et reste muette sur la question de la « souveraineté alimentaire ». Après une litanie de bonnes intentions et de pétitions de principes, l’orientation libérale des politiques agricoles mondiales y est, en revanche, réaffirmée sans détour : « Nous encourageons la communauté internationale à poursuivre ses efforts en matière de libéralisation des échanges internationaux de produits agricoles, en réduisant les obstacles au commerce et les politiques qui sont à l’origine de distorsions des marchés » (FAO, 2008).
Reste que cet unanimisme apparent ne peut masquer le fait que le consensus libéral qui prévalait dans le domaine agricole dans les années 1990 s’est sensiblement ébréché. Conséquence de la crise, les réflexes protectionnistes se sont multipliés malgré les mises en garde répétées des institutions internationales, ces réactions risquant – il est vrai – d’aggraver la situation des pays importateurs. Révélateur également de l’absence d’un réel consensus international, la réunion de l’OMC censée faire aboutir le cycle de Doha sur la libéralisation, organisée un mois après le Sommet de la FAO, s’est conclue sur un nouvel échec. Six mois plus tôt, ce sont les Accords de partenariat économique (APE) proposés la Commission européenne aux pays ACP en vue de libéraliser les échanges interrégionaux qui étaient rejetés par de nombreux pays africains, ceux-ci arguant de la menace qu’ils font peser sur leur économie rurale.
Proposé quelques années plus tôt par les Etats-Unis aux pays de la région, le projet d’intégration économique du continent (Alca) avait connu le même sort. Envisagés comme stratégies de remplacement à l’Alca, les accords bilatéraux de libre-échange peinent eux aussi à s’imposer ou sont de plus en plus ouvertement remis en cause. Non seulement par une population qui s’est mobilisée contre ce type d’accord, mais aussi par les gouvernements de la vague rose-rouge qui a déferlé sur un continent échaudé par près d’une trentaine d’année de libéralisme débridé. Initiative vénézuélienne, l’Alba (Alternative bolivarienne pour les Amériques) entend dès lors s’imposer, à grands renforts d’une diplomatie de la séduction, comme solution alternative aux accords de libre-échange, notamment par la promotion d’une coopération interétatique renforcée autour des questions de sécurité et de souveraineté alimentaire [12] .
Pour autant, le pari alimentaire est loin d’être gagné. La mise en œuvre de politiques audacieuses axées sur la protection, le soutien et le renforcement de l’agriculture familiale et vivrière, la diversification agricole, l’approvisionnement des marchés intérieurs (ruraux et urbains) en denrées de qualité produites localement et à des prix qui assurent la reproduction des petites exploitations paysannes, dépendra avant tout de la capacité des organisations et mouvements sociaux à surmonter leurs nombreuses divisions, à converger dans des actions communes pour imposer un réel rapport de force, et à trouver enfin des débouchés politiques à leurs revendications. Les obstacles sont nombreux.
Dans le champ militant en effet, les intérêts particuliers et corporatistes prennent bien souvent le pas sur l’action commune et la nécessaire coordination. Comme le montre dans cet ouvrage Maristella Svampa pour l’Argentine, dans une conjoncture de prix élevés profitable aux secteurs agricoles nationaux, les projets gouvernementaux visant à taxer les exportations ont débouché sur un conflit ouvert avec le monde rural et entraîné une « fausse polarisation ». Aussi nombre de petits et moyens producteurs mais aussi de larges secteurs urbains, excédés par l’augmentation des prix, ont rallié le « front agraire » conduit essentiellement par une oligarchie agraire peu soucieuse de l’intérêt général. Une fausse polarisation à laquelle on assiste aussi en Bolivie et en Inde, où la question de la vie chère est instrumentalisée à des fins politiques, voire religieuses dans le deuxième cas.
Il est vrai que la perception différenciée des enjeux ne facilite pas les processus de convergence, notamment entre mouvements sociaux urbains et ruraux, les uns mobilisant le plus souvent autour du pouvoir d’achat et de l’emploi, les autres réclamant des prix à la vente suffisamment élevés pour s’assurer un meilleur revenu. Contradictoires en apparence, et facteur souvent de tensions entre syndicats et mouvements paysans dans les zones de développement économique, ces intérêts ne pourront être conciliés que par la construction d’un cadre commun de perception qui établit la liaison entre les problèmes particuliers et les différents enjeux [13].
Permettant un telle montée en généralité, le concept de « souveraineté alimentaire », qui synthétise les différents enjeux liés aux questions agricoles et alimentaires et définit un projet alternatif aux politiques de libéralisation, peut servir de base à de telles convergences, comme le montre l’expérience réussie de Via Campesina.
Mais ce projet ne pourra aboutir que s’il trouve de solides relais dans les sphères politiques institutionnelles nationales et internationales, seules susceptibles de traduire les revendications en politiques concrètes. Or, même là où les deux univers, social et politique, sont peu cloisonnés, là ou existe entre eux un certain « air de famille », la pression des groupes d’intérêt, en l’occurrence ici ceux de l’agrobusiness, reste forte et continue à peser sur la définition des politiques nationales.
Il en va ainsi du Brésil. Bien qu’arrivé au pouvoir grâce à la mobilisation de nombreux secteurs populaires, le gouvernement Lula, motivé par des intérêts économiques à court et moyen terme, s’est peu écarté de la politique économique et agricole orthodoxe de ses prédécesseurs. A l’instar d’autres pays émergents, le pays est même devenu l’un des principaux promoteurs de la libéralisation des échanges agricoles et – avec les Etats-Unis – le grand défenseur des agrocarburants.
Ce que montre surtout le cas brésilien, c’est que le débat sur les questions agricoles et alimentaires est loin de recouper les lignes du débat Nord-Sud. C’est avant tout un débat entre deux modèles, deux visions radicalement différentes du devenir agricole, qui oppose, comme le résumait non sans ironie un commentateur du Guardian : « D’un côté (…) des gouvernements et de grandes multinationales qui soutiennent que nous avons besoin de plus de marché et de globalisation. De l’autre (…), un nombre croissant de personnes qui pensent que nous avons touché le fond, et qu’il serait préférable – dans ces conditions – d’arrêter de creuser ».
D’un côté, ceux qui, à l’instar du premier ministre britannique Gordon Brown « font croire que le meilleur moyen de faire face à la crise alimentaire mondiale est de boucler au plus vite le cycle actuelle de négociation à l’OMC en vue de libéraliser davantage le commerce et d’ouvrir plus largement encore les marchés mondiaux aux exportations des multinationales ». De l’autre, ceux qui réclament une réorientation radicale des politiques agricoles pour surmonter le chaos que la mondialisation a contribué à créer, rappelant au passage que les politiques libre-échangistes ont déstructuré les sociétés rurales et « poussé des millions de travailleurs ruraux et urbains dans l’économie formelle, là où la faim est une réalité quotidienne même dans les meilleurs jours » (Hilary, 2008).
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