La police et la justice marocaines se sont-elles évertuées à appliquer la loi ou ont-elles mené une opération de répression politique à l’encontre d’une journaliste ? Les enjeux de cette question dépassent le cadre du simple fait divers. Si, comme l’affirment les détracteurs du régime, son arrestation et le traitement qui lui a été réservé sont politiquement motivés, le régime aura confirmé, ce que beaucoup pensent déjà : que la Constitution de 2011 n’a rien changé. La police et la justice demeurent des institutions prétoriennes au service exclusif de la monarchie et de ses élites. Il aura aussi démontré que les droits des femmes ne constituent guère une priorité. On n’hésite pas à les violer lorsqu’il s’agit de faire taire les voix dissidentes.
Les soutiens à Hajar Raissouni se sont multipliés et ils sont venus de toute l’étendue du spectre politique et idéologique du pays. Le Conseil national des droits de l’homme, instance dont les dirigeants sont nommés par le roi s’est fendu d’un communiqué ; Hassan Aourid, ancien porte-parole du Palais, a publié une tribune ; des intellectuelles proches du Palais comme Leila Slimani ont lancé des appels. Dans le camp des critiques du régime, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a condamné l’arrestation. Omar Iherchane, un dirigeant d’Al-Adl Wa Al-Ihsan — mouvement islamiste opposant — s’est solidarisé avec la journaliste dès le lendemain de son arrestation.