Une nouvelle « révolution verte » est en marche. Dopé par une demande alimentaire croissante, l’agrobusiness gagne du terrain au Sud. Son modèle commercial et productiviste colonise de nouveaux territoires, du bassin amazonien aux confins de la Papouasie occidentale en passant par le continent africain, l’« ultime frontière ». Le tout, avec l’appui de gouvernements, d’institutions internationales, d’agences de coopération et d’une poignée de fondations philanthropiques.
Pointées du doigt pour leur responsabilité dans la crise alimentaire de 2008 et le mouvement d’accaparement des terres qui a suivi, les grandes firmes du secteur ont relifté leur image, renouvelé leur discours et remodelé leurs stratégies. Elles se veulent désormais actrices « incontournables » de la lutte contre la faim. Épousant le langage onusien de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, elles se positionnent comme les garantes d’une transition durable et inclusive, axée sur la modernisation des agricultures familiales.
Séduits par leurs promesses financières et technologiques, les pays en développement déroulent le tapis rouge et scellent avec elles des alliances décisives. Mais les organisations paysannes dénoncent l’imposture. Les recettes proposées, prétendument win-win, risquent d’aggraver le morcellement des communautés rurales, d’accentuer la dépendance des petits producteurs et d’accélérer, par d’autres moyens, le processus de privatisation des ressources au profit des acteurs dominants.
Illustration de couverture : Cueillette du thé au Kenya, par Jake-Flickr