Sauf coup de théâtre, le Sud-Soudan accédera à l’indépendance en ce mois
de juillet 2011. Difficile de ne pas y voir l’épilogue (pour les plus optimistes)
de luttes politiques et armées engagées dès 1946, lorsque les autorités
britanniques en charge du condominium anglo-égyptien se lancèrent dans
la décolonisation d’un Soudan unifié, alliant Nord et Sud, pour prendre à
revers la monarchie égyptienne et ses projets d’union avec le Soudan
[1]. La
demande d’indépendance du Sud-Soudan lancée par le parti libéral sudiste
dès l’indépendance du Soudan en 1956 n’a-t-elle pas finalement trouvé un
écho favorable auprès de la « communauté internationale [2] » ?
Pendant près de soixante ans, la sécession a donc constitué une promesse,
un horizon, pour les Sud-Soudanais. Une sociologie politique, et historique,
de ce projet sécessionniste et de ses usages conduit à identifier plusieurs
espaces dans lesquels s’est dessinée la trajectoire de ce projet. Les relations
nouées avec les États de la région et sur la scène internationale ont ici pesé,
en particulier dans la sphère d’influence anglo-américaine, de loin la plus
intéressée par cette situation – n’est-ce pas d’ailleurs à cela que l’on doit la bizarrerie du nom français du nouvel État en passe de naître 4 ? Mais l’élan
essentiel se situe dans le face-à-face entre forces sudistes et nordistes. Depuis
1983, le gouvernement de la République du Soudan – aujourd’hui dominé par
le Parti du Congrès national (al muttamar al-wattani, PCN) – et les rebelles
sudistes de l’Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan (A/MPLS)
s’opposent. De face-à-face, il n’y en eut finalement qu’assez peu, toutefois :
la guerre sud-soudanaise, comme d’autres guerres écrites dans le langage
de l’insurrection et de la contre-insurrection, a très tôt plongé ses ramifications
au coeur des divisions internes, multipliant les relations croisées, et poussant
la rébellion sudiste à opérer des choix de « gouvernement » face à la diversité
et au conflit entre groupes sudistes rivaux. Ces choix ont laissé leur empreinte
dans la façon dont ce nouvel État au Sud s’édifie, se négocie. L’actualité le
montre aujourd’hui crûment.
C’est cet État en cours de négociation, entre différents ordres politiques qui
s’entrechoquent aujourd’hui localement et sur la scène régionale, que nous
avons choisi de présenter ici.