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L’irrésistible dérive présidentialiste et autoritaire en Turquie

Le 4 mai 2016, après plusieurs semaines de tension dissimulée, Ahmet Davutoglu et Recep Tayyip Erdogan ont clarifié leurs relations et leur engagement au sommet de l’État. Le congrès extraordinaire du 22 mai officialisera le départ de Davutoglu qui cessera donc d’être premier ministre. Ce limogeage en forme de destitution est la confirmation du déclin du système politique parlementaire au profit d’un présidentialisme conforme aux ambitions d’Erdogan. Un déclin confirmé par la décision de priver de leur immunité parlementaire 148 députés, dont la quasi-totalité des élus du Parti démocratique des peuples (HDP), pro-kurde.

Pour mieux mettre en perspective le sens de la rupture entre les deux hommes forts du pays, revenons sur la personnalité d’Ahmet Davutoglu. Universitaire prestigieux et populaire, issu de l’Anatolie profonde, mais ouvert sur l’international, Davutoglu fait partie de ces intellectuels conservateurs qui ont participé à la fabrication du modèle économico-politique libéral et laïque turc des années 2000 dont on espérait en Occident qu’il inspirerait bon nombre de pays musulmans [1]. Influence grise du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir dès 2002, il est invité à rejoindre le gouvernement en 2009 avec le projet de faire de la Turquie un acteur régional majeur [2]. Jusqu’en 2011, profitant d’une conjoncture internationale favorable, il mène sa mission avec succès et jouit d’un prestige inégalé. Mais le modèle vole en éclats et ne résiste pas à la crise syrienne.

Davutoglu accède pourtant à la fonction de premier ministre le 28 août 2014, quand Recep Tayyip Erdogan devient président de la République. Dans cette Turquie chaque jour plus fragilisée par la tourmente syrienne, dans un contexte régional encore plus instable et une situation interne dominée par la montée de l’autoritarisme d’Erdogan, Davutoglu semblait apporter un contrepoids complémentaire. Ses prises de position plus modérées atténuaient quelque peu les mesures et propos excessifs d’un Erdogan survolté. Ce binôme a fonctionné tant bien que mal jusqu’au 4 mai dernier, avant que leurs chemins ne prennent des trajectoires désormais inconciliables. Alors, pourquoi Erdogan a-t-il évincé un homme qui lui était pourtant loyal et fidèle, et qui incarnait la face fréquentable d’un pouvoir turc aujourd’hui décrié par les médias et la communauté internationale ?

rprenant.

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Notes

[1Guillaume Perrier, « Un « modèle turc » pour les révolutions arabes ? », Le Monde, 15 février 2011.

[2Ahmet Davutoglu, « Turkey’s Zero-Problems Foreign Policy », Foreign Policy, 20 mai 2010.


Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.