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Expansion des agrocarburants au Sud : dynamique et impacts

Les cultures pour agrocarburants gagnent du terrain dans la majorité des pays du Sud. Dominées par des plantations industrielles, elles génèrent d’importants impacts problématiques : concentration des terres, destruction des écosystèmes, fragilisation de la sécurité alimentaire. Les systèmes de certification volontaire visant à faire émerger un agrocarburant industriel « durable » aident surtout à « verdir » l’image du secteur.

A la croisée d’enjeux énergétiques, environnementaux, agricoles et commerciaux majeurs, les agrocarburants suscitent de vifs débats depuis plusieurs années. Leurs détracteurs ont gagné de l’audience depuis la crise alimentaire de 2007 et la mise en cause des cultures énergétiques dans l’explosion du prix des denrées alimentaires. La chute des prix mi-2008 n’a pourtant pas réduit la pression sur les avocats des cultures énergétiques, car deux nouvelles accusations émergent depuis peu, étayées par un nombre croissant d’études et de rapports. La prise en compte du « changement d’affectation des sols » causé directement ou indirectement par les agrocarburants remettrait en question leur bilan carbone positif, principal « argument de vente » auprès du grand public. Et la quête de surfaces agricoles qu’ils occasionnent serait une des causes majeures de l’inquiétant phénomène d’« accaparement des terres » dans les pays du Sud. Malgré l’intensité de la controverse, la Commission européenne et les Etats du Nord comme du Sud gardent le cap et relativisent les impacts... ou misent sur l’application de critères de durabilité pour faire émerger des filières « propres ».

Cette livraison d’Alternatives Sud revient plus spécifiquement sur la dynamique de l’expansion des agrocarburants dans les pays du Sud et les impacts variés qu’elle génère. Quels sont les principaux moteurs de la « fièvre des agrocarburants » au Sud et quels sont les discours de légitimation avancés pour convaincre les opinions publiques locales du bien-fondé de l’affectation de terres à des cultures énergétiques ? Quels sont ensuite les impacts concrets pour les populations, en particulier pour les groupes les plus pauvres ? Sont-ils en mesure de bénéficier d’un secteur largement dominé par les monocultures industrielles ou sont-ils condamnés à n’en connaître que les inconvénients, sous la forme d’une fragilisation de la sécurité alimentaire et de leurs droits d’accès aux ressources naturelles ? Cette expansion est-elle par ailleurs compatible avec la préservation des écosystèmes sensibles ? Au-delà, les effets sociaux et environnementaux « en cascade » de l’expansion des agrocarburants sont-ils maîtrisables par les instruments - critères de durabilité et systèmes de certification - avancés par les acteurs de la filière et les pouvoirs publics ?

L’expansion des agrocarburants au Sud

Croissance accélérée des quantités et des surfaces en jeu

La production mondiale d’agrocarburants a connu un véritable boom à l’échelle mondiale ces dernières années : elle été multipliée par 5,5 entre 2000 et 2009 pour atteindre 51,78 millions de tonnes d’équivalent pétrole (tep) (PB, 2010). Assez logiquement, les superficies consacrées à la production de matières premières agricoles pour cet usage énergétique ont connu une croissance parallèle, passant de 13,8 millions d’hectares en 2004, à 26,6 millions en 2007 et 37,5 millions en 2008, soit 2,3 % des terres cultivables dans le monde (PNUE, 2009), ou 2 fois la surface cultivable de la France, ou encore 38 fois la surface cultivable de la Belgique. Les agrocarburants seraient responsables de 25% de l’accroissement des surfaces agricoles entre 2004 et 2008 (RAC-F, 2008).

En 2009, les pays du Sud ont assuré un peu moins de 40% de cette production mondiale. [1] Les principaux producteurs ont été le Brésil, seul loin devant (14 Mtep, soit 27% de la production mondiale), suivi de la Chine (1,3 Mtep, 2,5%), de l’Argentine (1,1 Mtep, 2,1%), de la Thaïlande (0,7 Mtep, 1,2%), de la Colombie (0,4 Mtep, 0,8%) et de l’Inde (0,3 Mtep, 0,7%). Absents de ce classement 2009, l’Indonésie et la Malaisie, les deux champions de l’huile de palme (85% de la production mondiale), ont pourtant produit respectivement 0,5 Mtep et 0,4 Mtep d’agrocarburants en 2008. [2]. A titre de comparaison, l’Allemagne, premier producteur européen, a transformé 2,6 Mtep en 2009 (5,1% du volume mondial) et la France 2,4 Mtep (4,6%).

Au Sud, trois matières premières agricoles dominent nettement la fabrication d’agrocarburants : le soja et l’huile de palme pour le biodiesel, la canne à sucre pour l’éthanol. La productivité de ces végétaux tropicaux est supérieure à celle des variétés cultivées dans les contrées tempérées – colza, tournesol (biodiesel), maïs, betterave, blé (éthanol). Un certain nombre de matières premières « alternatives » font cependant leur apparition : le jatropha (biodiesel) d’abord, surtout cultivé en Inde et en Afrique, mais aussi le manioc (éthanol) en Thailande, en Indonésie, au Nigeria, etc., ainsi que le ricin, le sorgho, l’arachide, le coton, etc.

Si l’on en croit les programmes officiels, la production d’agrocarburants et l’expansion concomitante des cultures énergétiques devraient encore s’accélérer dans les années à venir dans les pays en développement. Les autorités brésiliennes prévoient de doubler les surfaces de canne à sucre entre 2009 et 2017 (de 7 à 14 millions d’ha) [3], année où le gouvernement indien projette de consacrer 13,4 millions d’ha à la culture de jatropha [4] pour le biodiesel, contre 300 000 ha en 2009 (Ariza Montobbio et al., 2010), tandis que son homologue indonésien estimait en 2008 que la surface de palmiers à huile destinée au biodiesel passerait de 400 000 ha en 2008 à 3 millions en 2010 (Dillon et al. 2008). Des dizaines d’autres pays – « émergents » comme « moins avancés » - leur emboîtent le pas, affectant officiellement des millions d’ha aux cultures énergétiques et se donnant des objectifs extrêmement ambitieux en matière de production et de consommation. Si les chiffres avancés de part et d’autres doivent être pris au conditionnel - la crise internationale du crédit, la volatilité des marchés agricoles et les réalités agronomiques ayant remis bien des investissements en question -, la tendance à une augmentation généralisée de la production est bien là.

Le rôle déterminant des pouvoirs publics

Au Sud comme au Nord, l’expansion des cultures énergétiques résulte d’abord de l’adoption récente de politiques publiques visant le développement de la production et de la consommation d’agrocarburants. Les coûts de production des agrocarburants étant supérieurs à l’essence et au diesel [5], le décollage de la consommation mondiale n’aurait tout simplement pas eu lieu sans cette volonté politique.

S’agissant des pays du Sud, il ressort des documents officiels adoptés ces dernières années que ces politiques sont guidées par des préoccupations d’ordre énergétique et économique essentiellement. Il s’agit de réduire la dépendance des économies nationales vis-à-vis d’une ressource, le pétrole, dont le prix sur les marchés internationaux connaît des hausses imprévisibles, source d’une grande vulnérabilité macro-économique, tout en offrant des opportunités de croissance et de création d’emplois dans les secteurs agricole et industriel. Il importe de l’avoir à l’esprit : au Brésil, en Indonésie, en Afrique du Sud et ailleurs, le soutien aux agrocarburants est une question de « développement national », avant d’être une contribution à la lutte contre le réchauffement climatique.

Les politiques nationales en question jouent à la fois sur la stimulation de la consommation (créer une demande interne) et de la production d’agrocarburants (créer une offre interne). La promotion de la consommation passe par la fixation d’objectifs d’utilisation contraignants ou indicatifs, sous la forme de pourcentages de mélange d’agrocarburants aux carburants classiques. [6] Les mesures adoptées afin de soutenir le développement des capacités de production nationales sont diverses : allègement fiscal ou subventionnement de la production de la biomasse et des unités de transformation, facilitations administratives et fiscales en faveur des investissements extérieurs, facilitation de l’acquisition de terres, investissement dans les infrastructures de stockage et de transport, implication majeure des entreprises publiques pétrolières, bancaires ou agricoles, financement de la recherche (en vue d’améliorer le rendement des variétés, les technologies de transformation, l’adaptation des moteurs des véhicules), etc. [7]

Le poids variable des exportations

L’approvisionnement des pays riches, qui consomment d’ores et déjà davantage d’agrocarburants qu’ils n’en produisent, est l’autre grand vecteur de l’expansion des cultures énergétiques au Sud. L’Union européenne, par exemple, a importé environ 22% des dix Mtep qu’elle a consommées en 2008, année où elle a utilisé 3,3% d’agrocarburants dans son carburant de transport. Ce pourcentage d’importation devrait augmenter à mesure que la consommation européenne se rapproche des 10% de mélange fixés pour 2020 par la directive « énergies renouvelables ». Qui plus est, la réduction prévisible des barrières au commerce international de l’éthanol et du biodiesel devrait renforcer la présence des grands producteurs du Sud, plus compétitifs du fait de l’abondance de terres, du travail bon marché et de normes environnementales moins (voire non-) contraignantes.

En 2009, le Brésil à lui seul a assuré plus de la moitié des exportations mondiales d’éthanol. Il est suivi de très loin par la Chine, le Guatemala, le Nicaragua, le Pakistan, l’Egypte. [8] Les principaux exportateurs de biodiesel sont l’Argentine (biodiesel à base de soja), la Malaisie (huile de palme) et l’Indonésie (huile de palme) (PNUE, 2009). Pour autant, à moyen terme, c’est la consommation interne, davantage que les exportations, qui devrait tirer la production dans les grands pays émergents. Le Brésil lui-même consomme 80% de sa production d’éthanol. De même, en Colombie, en Indonésie ou en Thaïlande, l’adoption d’objectifs de mélange obligatoire devrait sous peu canaliser l’essentiel des volumes produits vers le marché domestique. Ceci ne diminue pas l’énorme enjeu commercial que constituent les exportations, en témoigne l’activisme des lobbies de producteurs brésiliens ou malais à Bruxelles et à Washington, mais signifie que l’enjeu de la sécurité énergétique nationale primera vraisemblablement sur la conquête de nouveaux marchés à plus long terme.

Il importe par ailleurs de mentionner le rôle des diplomaties brésilienne, européenne et états-unienne dans le choix récent de plusieurs pays en développement - en Afrique et en Amérique centrale surtout - de se lancer dans la production d’agrocarburants à grande échelle pour l’exportation. La « diplomatie de l’éthanol » brésilienne s’efforce, en multipliant les traités de coopération technique, d’augmenter le nombre de (petits) pays exportateurs d’éthanol en vue de faire accéder le produit au statut de « commodity » cotée sur les marchés internationaux. Pour l’Union européenne, tout comme les Etats-Unis d’ailleurs, l’objectif est de voir émerger un marché mondial contribuant à garantir la stabilité de leur propre approvisionnement (CE, 2006). Cette convergence d’intérêts s’est notamment concrétisée dans un accord de coopération, signé en juillet 2010 par les autorités brésiliennes, européennes et mozambicaines, visant à développer la production d’éthanol au Mozambique à l’aide du savoir-faire brésilien en vue d’alimenter le marché européen. Une première expérience censée ouvrir la voie à des accords du même genre dans d’autres pays du continent africain.

L’afflux d’investisseurs internationaux

Si l’Etat a joué un rôle de premier plan dans l’essor des filières et l’émergence d’un marché des agrocarburants, en particulier dans les pays où il conserve une forte capacité d’action (Brésil, Inde, Indonésie, Malaisie), la croissance accélérée du secteur est indissociable de la ruée des investisseurs internationaux sur le nouvel « or vert ». Sans surprise, les acteurs transnationaux les mieux placés sont les firmes de l’agrobusiness qui contrôlent déjà de larges pans de la production des matières premières agricoles, de leur transformation industrielle, de leur transport et de leur distribution. Pour autant, les perspectives de profit attirent de nouveaux et puissants acteurs de secteurs parfois éloignés de l’agro-industrie.

Comme le relève l’organisation Grain, qui compte parmi les observateurs les mieux informés « Les multinationales de cosmétiques vendent du biodiesel. Les grosses compagnies pétrolières raflent toutes les plantations. Les spéculateurs de Wall Street passent des contrats avec les barons féodaux du sucre. Et tout cet argent qui circule autour du monde est en train de réorganiser et de renforcer les structures transnationales, unissant la classe la plus brutale des propriétaires terriens des pays du Sud aux multinationales les plus puissantes des pays du Nord ». De fait, les investissements extérieurs prennent généralement la forme de « joint ventures » entre investisseurs étrangers et compagnies contrôlant les « facteurs de production » locaux – entreprises de plantations (de canne à sucre, de palmiers à huile ou de soja), sociétés de commercialisation, grands propriétaires terriens ou unités de production de biodiesel ou d’éthanol.

A la différence des autres grands cycles d’expansion de « commodities » agricoles, les flux d’investissements en question ne suivent pas uniquement une trajectoire Nord-Sud. Les grands groupes brésiliens, colombiens, indonésiens, malaisiens, qui ont pu historiquement se consolider sur leurs propres marchés nationaux protégés, se sont lancés à la conquête de l’Amérique centrale, de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique sub-saharienne. Les compagnies chinoises avancent elles aussi leurs pions, à l’instar de la China National Offshore Oil Corp., qui en janvier 2007 a signé un accord avec l’indonésienne Sinar Mas sur un investissement de 5,5 milliards de dollars visant à convertir un million d’hectares en culture énergétique sur l’île de Bornéo, ou du groupe Noble, qui contrôle 10% des exportations d’éthanol brésilien et prend pied dans les filières du biodiesel argentines et indonésiennes.

Impacts « directs » et impacts « indirects »

L’évaluation rigoureuse des impacts de l’expansion des agrocarburants au Sud (impacts socio-économiques et impacts environnementaux) exige de prendre en compte le fait que ces impacts ne sont pas seulement directs ou localisés - « la mise en place de la plantation x à l’endroit y a eu tels et tels effets à cet endroit y », - mais aussi « indirects », ou « globaux », du fait des pressions que la production/consommation d’agrocarburants exerce « en cascade » sur des marchés agricoles et fonciers fortement internationalisés. Les deux effets indirects les plus débattus sont l’impact sur le prix des biens alimentaires de la réorientation d’une partie croissante de la production agricole vers les filières énergétiques et le « changement d’affectation des sols indirect » (CASI) qui peut se produire à n’importe quel endroit du monde pour répondre à la demande de produits agricoles qui n’est plus satisfaite.

Ces effets indirects sont en quelque sorte le produit du phénomène « normal » de propagation des mouvements de prix entre des filières (filière alimentaire / filière énergétique), des marchés (marché agricole/marché foncier) et des régions du monde de plus en plus interdépendants. Dans le cas des agrocarburants, ces mouvements de prix sont d’autant plus prononcés que nous avons affaire à une demande massive émergeant subitement sur des marchés agricoles déjà tendus depuis le tournant du millénaire. Schématiquement, la dynamique de diffusion des effets du boom des agrocarburants sur les différents marchés et les conséquences pour les groupes d’acheteurs/vendeurs qui en dépendent ainsi que pour l’environnement, est la suivante :

1) forte croissance de la demande globale de matières premières agricoles : car la demande des usines d’éthanol et de biodiesel vient s’ajouter aux demandes « traditionnelles » de produis agricoles – celles de la filière alimentaire et de la filière industrielle – elles-mêmes en croissance ;

2) hausse du prix des matières premières agricoles [9] : car l’offre de produits agricoles ne s’ajuste pas immédiatement à l’augmentation de la demande globale (les investissements nécessaires à l’amélioration de la productivité et la mise en culture de nouvelles terres demandent une ou plusieurs saisons) ;

 conséquences : enrichissement des producteurs agricoles grands et moyens capables de réagir rapidement à cette hausse des prix et moindre accès à l’alimentation pour les consommateurs pauvres (crise alimentaire) (Alternatives Sud, 2008).

3) hausse plus durable du prix de la terre [10] : car davantage d’opérateurs économiques sont désireux d’investir dans les terres cultivables, en vue de satisfaire une hausse de la demande en produits agricoles perçue comme structurelle du fait qu’elle répond à des tendances économiques de fond (pays émergents) et à des objectifs de consommation fixés par le politique (agrocarburants) ;

 conséquences : compétition autour des terres cultivables, éviction des agriculteurs les plus pauvres (vente volontaire/forcée de leu lopin ou expulsion), concentration des terres dans les mains des gros investisseurs et expansion des exploitations industrielles au détriment de l’agriculture paysanne ;

4) augmentation graduelle de l’offre de terre cultivable : car la hausse du prix des produits agricoles et de la terre arable incite à accroître les surfaces exploitables ;

 conséquences : mise en culture des jachères, mais surtout déforestation et pressions sur des zones écologiques sensibles (savanes, prairies naturelles, zones humides).

Impacts sur la petite production agricole et le développement rural

« Ressort de croissance agricole », « facteur d’investissement dans la productivité », « de diversification des activités », « d’augmentation des revenus », « de création d’emplois », pour les gouvernements nationaux comme pour certaines agences internationales (FAO, 2008), les agrocarburants sont d’abord envisagés sur le mode de l’ « opportunité économique pour le monde rural ». [11] Un optimisme déconnecté des contextes agricoles et sociaux « réellement existants » au sein desquels se joue l’expansion des cultures énergétiques.


Entre exclusion...

Pour rappel, la production de canne à sucre, de soja et d’huile de palme est depuis plusieurs années dominée par l’agriculture industrielle. Sans surprise, c’est cette production agricole capitaliste - salariée et mécanisée - qui fournit l’essentiel des matières premières aux usines d’éthanol et de biodiesel. [12] A l’instar des autres marchés, l’accès aux filières d’agrocarburants exige donc d’atteindre un seuil minimum de compétitivité et de connexion aux infrastructures et circuits commerciaux. L’insertion des petits producteurs est rendue d’autant plus difficile qu’une tendance à l’intégration verticale se manifeste dans le secteur : de plus en plus d’entreprises se créent avec des investissements simultanés dans les plantations et les unités de transformation. Les prix des matières premières étant un élément crucial de leur rentabilité, ce contrôle de leur approvisionnement leur permet de se protéger contre la volatilité des prix agricoles.

L’exclusion des petits propriétaires est la plus forte lorsque l’organisation de la production agricole-industrielle exige que les unités de transformation aient un contrôle total « en temps réel » sur le rythme de production des matières premières. L’activité agricole est alors assurée par une main- d’oeuvre intégralement salariée. La culture de canne à sucre pour l’éthanol au Brésil obéit à ce schéma purement capitaliste. On peut s’attendre à ce qu’il s’étende dans les pays, notamment africains et centro-américains, où la coopération brésilienne diffuse son « modèle » de l’éthanol.


...et incorporation « adverse » aux filières agrocarburants

Cela signifie-t-il que la petite agriculture de type familiale soit systématiquement marginale au sein des filières agrocarburants ? Le tableau est plus contrasté. La participation des petits et moyens producteurs peut être importante dans certaines filières et dans certains contextes nationaux. En Indonésie, 3,5 millions de petits exploitants occupent 40% des superficies consacrées à la production de palmiers à huile. Comme l’a constaté John Mc Carthy (2010), le sort socio-économique de ces petits producteurs est hautement variable, car il dépend des « termes » de leur incorporation à l’économie des palmeraies.

Ceux qui ont démarré leur exploitation entre 1986 et 1994 dans le cadre du programme de migration « PIR – Trans » orchestré par l’Etat développementaliste (et autoritaire...) indonésien ont bénéficié d’une série de soutiens publics (crédit, allocations de départ, logement), d’une forme de contractualisation avec les compagnies agro-industrielles (collecte et transformation des fruits, fourniture d’un encadrement technique) fortement contrôlée par l’Etat et de prix fixés par ce dernier. Après une première période difficile liée au remboursement du crédit, ces petits exploitants ont dans leur majorité pu bénéficier de l’envol du prix de l’huile de palme sur les marchés internationaux et du développement de la filière biodiesel. Les milliers de paysans pauvres qui leur ont emboîté le pas après 1998, année de la libéralisation du secteur, pâtissent par contre d’une incorporation à la filière que l’on peut qualifier d’« adverse » : sans soutien financier ni technologique, forcés de planter des variétés bon marché à faible rendement et à se passer d’engrais, obligés de vendre à des intermédiaires commerciaux se réservant une solide marge, ils restent pauvres, voire s’appauvrissent davantage (Mc Carthy, 2010).

Là où elle se produit, l’inclusion des petits agriculteurs aux chaînes de valeur des agrocarburants tend à suivre cette modalité d’incorporation « désavantageuse », bien davantage qu’à profiter des bénéfices théoriques des scénarios « win win » échafaudés par les institutions internationales (Banque mondiale, 2008). Malgré le discours « pro poor » véhiculé par ses promoteurs (gouvernements nationaux et consultants internationaux), la culture du jatropha ne s’écarte pas de ce schéma. Parmi les vertus supposées de la plante : sa capacité à pousser sur les terres « marginales » et peu fertiles, ses faibles besoins en eau, en intrant et en entretien. Les observations faites en Inde et en Afrique, principales zones d’expansion du jatropha, convergent cependant dans la remise en cause de ces présupposés : la culture est intensive en travail, les rendements sont inférieurs aux chiffres avancés, et particulièrement médiocres sur les terres pauvres et non irriguées, et la plante requiert une période de gestation plus longue qu’annoncée.

Qui plus est, les contrats passés avec les unités de transformation sont généralement défavorables aux petits paysans et/ou peu respectés par les industriels – l’encadrement technique est médiocre ou inexistant et les prix auxquels la récolte est achetée, généralement inférieurs à ce qui était établi, quand celle-ci trouve preneur, la baisse du prix du pétrole courant 2008 ayant maintenu bien des unités à l’arrêt. En Inde comme en Afrique, la majorité des paysans pauvres qui ont misé sur la « plante miracle » sont aujourd’hui en bien mauvaise posture. Les sociétés de plantation de jatropha et les gros fermiers tirent mieux leur épingle du jeu : ils bénéficient de systèmes d’irrigation et de fertilisants et peuvent attendre plusieurs années pour recouvrir leurs investissements (voir l’article de Ariza-Montobbio dans ce numéro). Au-delà de ses piètres performances agronomiques, le jatropha confirme la nature fatalement inéquitable des contrats passés entre des firmes agro-industrielles d’un côté et des paysans pauvres et dispersés de l’autre - à ces derniers l’essentiel des risques, aux compagnies l’essentiel des profits -, dans le contexte de marchés agricoles instables et de politiques pro-agrobusiness.

L’existence de politiques publiques actives visant à corriger les asymétries entre petits producteurs et secteur agro-industriel en matière de pouvoir de négociation s’avère donc être une condition déterminante à l’émergence d’une incorporation plus équitable aux filières agrocarburants. Le programme brésilien de production et d’utilisation du biodiesel constitue aujourd’hui l’expérience à grande échelle la plus encourageante en ce sens. Cogéré par un ministère du développement agraire fortement engagé dans le soutien à l’agriculture familiale, il octroie des avantages fiscaux et des facilités de crédit aux usines de biodiesel qui s’approvisionnent auprès des petits producteurs (à raison d’un pourcentage minimal, variable suivant les régions) et fournissent un encadrement technique à ces derniers. En 2010, cent mille petits agriculteurs familiaux ont vendu leur récolte (soja essentiellement) aux usines de biodiesel, fournissant environ 25% des matières premières de la filière.

De la difficulté à profiter de la hausse des prix

Nous l’avons vu plus haut, à une échelle « indirecte » ou « globale », l’un des effets de l’expansion de la consommation d’agrocraburants est la tendance haussière sur les marchés agricoles internationaux. Or la baisse historique des prix agricoles depuis les années 1970 (liée à la libéralisation agricole et à la mise en concurrence des paysans pauvres avec des gros producteurs états-uniens, européens, argentins, etc. aux niveaux de productivité incomparables), est l’une des premières raisons de la stagnation, voire de la baisse, de productivité de la petite paysannerie et du processus dramatique de paupérisation dans laquelle celle-ci est plongée depuis plusieurs années (Mazoyer, 2002). Pourquoi dès lors le retour à la hausse des prix agricoles n’est-il pas profitable à l’agriculture paysanne ?

Ce paradoxe apparent est lié à la position désavantageuse des petits producteurs vis-à-vis de l’investissement productif (déjà évoquée s’agissant de la participation aux filières agrocarburants) : non seulement le crédit leur est infiniment moins accessible qu’aux gros et moyens producteurs, mais l’exposition au risque de retournement des prix, inhérent à tout investissement, est beaucoup plus lourd de conséquences chez des paysans pauvres n’ayant aucune base financière pour endurer une saison à perte. Or la tendance haussière des prix agricoles de ces dernières années se double d’une grande volatilité à court terme qui a un effet inhibiteur sur cette catégorie de producteurs. Ou qui plonge les plus audacieux dans les affres de l’endettement…

Concentration foncière, prolétarisation, exode rural

L’agriculture familiale a donc les plus grandes difficultés à tirer bénéfice du développement accéléré des filières agrocarburants. C’est par contre elle, et plus globalement les populations rurales pauvres, qui en paient le prix fort, sous la forme d’un recul de leurs droits d’accès aux ressources naturelles indispensables à leurs stratégies de survie quotidienne. L’énorme consommation d’eau des plantations (irrigation) comme des unités de production (lavage, refroidissement), ajoutée à la contamination des eaux de surface et des nappes souterraines, porte préjudice aux communautés villageoises avoisinantes. Mais c’est la prise de contrôle, par des entreprises commerciales ou des élites locales, d’immenses étendues de terre pour la mise en culture de matières premières pour agrocarburants qui constitue la principale menace pour la petite agriculture.

Les agrocarburants sont l’un des principaux moteurs du phénomène récent, et combien inquiétant, d’accaparement des terres en Afrique (surtout), en Amérique latine et en Asie. D’après Laurent Delcourt (2010), 35% environ des 45 millions d’hectares acquis ou en cours de négociation en 2009 à l’échelle mondiale étaient destinés aux cultures énergétiques. Cette acquisition de nouvelles terres s’opère régulièrement au détriment des propriétaires ou usagers antérieurs. Les modalités de la transaction et ses conséquences pour les locaux varient cependant suivant les contextes sociaux et juridiques. Avec l’International Land Coalition, nous pouvons distinguer deux grands types de situations (ILC, 2009) :

a) Les terres visées sont soumises à un régime foncier de propriété privée. Les occupants antérieurs, petits ou gros propriétaires, sont porteurs de droits formalisés sur la terre, sous la forme d’un titre de propriété généralement. Ils acceptent alors de les céder, volontairement ou après avoir subi des pressions, parfois même après des actes de violence. Dans des régions où les rapports de force prévalent sur les rapports de droit, la capacité du propriétaire à refuser la vente ou à en tirer ce qu’il estime être un profit minimal (présupposé de base du libre marché) est intimement liée à son poids social.

Les grands propriétaires de caféiers ou d’orangeraies de la région de São Paulo au Brésil ont réalisé de juteux bénéfices en vendant leurs terres aux usineiros avides d’étendre leurs plantations de canne à sucre. Deux mille kilomètres au Nord, les petits colons amazoniens n’ont eu d’autre choix que d’accepter les offres, même misérables, des sojeiros, au risque de recevoir la visite musclée de leurs hommes de main. Sur cette échelle qui va des formes les plus « libres et préalablement informées » aux formes les plus violentes d’expropriation, le paroxysme est sans doute atteint dans le Choco (Colombie), où l’obtention des terres briguées par les planteurs de palmiers à huile est obtenue par une politique de la terreur (infractions massives aux droits humains) dont les auteurs (secteurs paramilitaires) et les bénéficiaires (compagnies de plantation) sont plus ou moins ouvertement alliés au gouvernement.

b) Les terres visées sont soumises à un régime coutumier : ces terres sont habitées ou utilisées depuis des générations par les populations locales, mais celles-ci ne disposent pas de documents formellement reconnus attestant de leurs droits. Les droits d’usage (agriculture, pâturage, ramassage de bois de feu, etc.) et les droits de propriété sont pourtant socialement reconnus à des individus, des familles ou des communautés, et il y existe des mécanismes variés de gouvernance, mais ils sont faiblement sécurisés et l’Etat estime pouvoir, ou peut légalement, récupérer ces terres moyennant une indemnisation (ILC, 2009). Les cas de cession de terres par des autorités nationales ou coutumières à des firmes d’agrocarburants étrangères, sans consultation préalable des habitants ou usagers traditionnels, se sont multipliés ces dernières années en Afrique, les cas du Ghana, de la Tanzanie et du Mozambique ayant été particulièrement médiatisés.

Qu’elles soient forcées ou librement consenties, ces acquisitions massives de terre pour agrocarburants participent au phénomène de concentration, ou de « re-concentration » (là où des réformes agraires volontaristes ont eu lieu) des meilleures terres (les plus planes, les plus fertiles, les plus chaudes et humides), dans les mains d’un nombre réduit de grands propriétaires de mieux en mieux connectés aux marchés internationaux. Et ce, presque invariablement, au détriment des petits ou moyens paysans et plus spécifiquement des populations « indigènes », « tribales », autochtones (Duterme, 2010). S’ensuit un phénomène de prolétarisation des ex-petits propriétaires, qui trouvent à s’employer comme ouvriers agricoles dans les plantations, ou d’exode rural, lorsque ces ex-petits propriétaires réinvestissent le capital issu de la vente de leur terrain dans l’achat d’un logement en ville.

Il importe également de considérer les effets « indirects » de cette affectation massive de terres pour la production d’agrocarburants (au-delà des impacts locaux générés par chaque nouvelle plantation). Facteur parmi d’autres de tension sur les marchés fonciers, elle contribue au renchérissement global du prix de la terre ces dernières années. Des stratégies de spéculation (plus ou moins légitimes) sur le foncier s’ensuivent, qui d’un côté entraînent des phénomènes de concentration foncière (gros acheteurs) et d’enrichissement (gros vendeurs) rapide, de l’autre fragilisent les droits d’usage des paysans pauvres, pénalisent les candidats acheteurs les plus démunis (les fils de ces paysans pauvres) et exacerbent les tensions foncières entre communautés, sources potentielles de conflits à coloration ethnique.

Impacts sur la sécurité alimentaire

Depuis la crise alimentaire de 2008, l’expansion des agrocarburants est présentée par certains de ses détracteurs comme un obstacle à la sécurité alimentaire des pauvres, voire, dans une vision néo-malthusienne, comme un nouveau danger compromettant la capacité de la planète à nourrir ses habitants. La réalité est plus nuancée.

Un facteur secondaire de la crise alimentaire...

La formidable poussée de la consommation d’agrocarburants durant les années 2006 et 2007 constitue bel et bien un facteur de la flambée des prix agricoles mondiaux début 2008, avec les mauvaises récoltes, l’absence de stock et la spéculation. Il s’agit cependant d’un facteur ayant temporairement aggravé une situation de vulnérabilité alimentaire structurelle liée à la situation de dépendance vis-à-vis des marchés internationaux dans laquelle des dizaines de pays, autrefois autosuffisants, ont glissé ces dernières décennies. Cette situation de dépendance hautement problématique est le résultat du laminage de la petite production vivrière nationale suite à la libéralisation agricole.

La solution à cette situation passe par la réhabilitation de politiques agricoles et alimentaires nationales actives, protégeant la production domestique des marchés nationaux, intervenant activement sur le marché agricole national, afin de limiter les chutes de prix en cas de surproduction (préjudiciables aux producteurs) et les hausses de prix en cas de mauvaises récoltes (préjudiciables aux consommateurs), et facilitant l’accès des producteurs pauvres aux crédits, aux intrants et aux marchés (Mazoyer, 2002 ; Brunel, 2009). La production d’agrocarburants est compatible avec ce scénario et peut même constituer un revenu supplémentaire pour les petits producteurs et donc devenir une source de sécurité alimentaire. Car ce n’est pas tant l’offre globale en calories alimentaires qui pose problème que le faible pouvoir d’achat des plus démunis (Dufumier, 2004).

...mais une vraie menace pour la souveraineté alimentaire

Si le détournement d’une part grandissante de la production agricole des grands pays exportateurs vers l’industrie des agrocarburants ne fait pas partie des causes structurelles de la sous-alimentation, l’affectation de surfaces à la production d’agrocarburants dans les pays où les terres fertiles sont limitées représente une vraie menace pour la sécurité alimentaire locale. Ce risque est évident lorsque d’immenses superficies traditionnellement consacrées à l’agriculture vivrière sont cédées à des investisseurs extérieurs pour une production d’agrocarburants destinée à l’exportation (à l’instar des autres cultures de rente par ailleurs : fleurs, coton, café, ananas, etc.). Le cas du Guatemala est à cet égard paradigmatique : la poussée de l’agriculture industrielle d’exportation, à laquelle contribue l’expansion de la canne à sucre et des palmiers à huile, tend à aggraver non seulement la dépendance alimentaire externe du pays, mais aussi les taux de dénutrition chronique extrêmement élevés enregistrés dans les régions paysannes et indigènes (Duterme, 2010).

Pressés par des opinions publiques préoccupées par l’impact des agrocarburants sur la sécurité alimentaire, les gouvernements d’Inde, d’Ethiopie, de Tanzanie, etc. ont officiellement décidé d’orienter la production d’agrocarburants sur les terres « non utilisées », afin d’éviter la compétition avec l’alimentation. Une stratégie soutenue par la Commission européenne et certains consultants internationaux. Constructive sur le papier, cette idée est cependant déconnectée des logiques « réelles » d’utilisation de l’espace dans les régions visées.

Premièrement, les immenses superficies de terre supposément « inutilisées », « marginales » ou « abandonnées » sur base d’une imagerie satellitaire ou de classements administratifs arbitraires fournissent souvent quantité de services aux communautés villageoises avoisinantes (pâturage saisonnier, collecte de bois de feu, agriculture itinérante, cueillette de plantes médicinales,...). Deuxièmement, nous l’avons vu, la plante « miracle » vendue avec l’idée de terres dégradées, le jatropha, est une plante comme les autres : son rendement dépend de la fertilité du sol. Troisièmement, il est sociologiquement naïf d’imaginer les acteurs économiques puissants que sont les grands agriculteurs capitalistes orienter leur production vers les zones moins fertiles. La tendance, déjà à l’oeuvre dans certaines régions, est moins à une réorientation de la production vers ces zones dégradées, qu’à une extension de la catégorie « terres dégradées » aux zones convoitées.

Enfin dernièrement, dans le contexte de l’agriculture paysanne, la compétition avec l’alimentation ne doit pas seulement être considérée sur le plan foncier mais aussi sur celui du temps. Quand bien même les communautés villageoises disposent effectivement de terres peu utilisées, le temps considérable investi dans la production d’une culture énergétique (dont les revenus sont incertains) est un temps perdu pour les productions vivrières. « Nous n’allons pas confier nos ventres à l’extérieur » répondent les paysans sénégalais aux cadres ruraux les incitant à abandonner une part de leur production vivrière pour planter du jatropha

Impacts environnementaux

Les agrocarburants ont depuis plusieurs années déjà perdu le qualificatif de « carburant propre ». Les ONG environnementales, passée une brève période de tergiversation, ont les premières tiré la sonnette d’alarme. Les institutions internationales n’ont pas tardé à embrayer. Dès 2008, la FAO prévient que « des impacts négatifs imprévus sur les sols, l’eau et la biodiversité font partie des effets secondaires de la production agricole en général, mais ils sont particulièrement préoccupants en ce qui concerne les biocarburants » (FAO, 2008). Un an plus tard, le Programme des Nations unies pour l’environnement enfonce le clou : « l’augmentation de la production de biocarburants devrait avoir de lourds impacts sur la diversité biologique dans les décennies à venir, essentiellement du fait des pertes d’habitat, de la prolifération des espèces invasives et de la pollution par les nitrates » (PNUE, 2009).

L’expansion des « déserts verts »

Le bilan environnemental douteux des cultures énergétiques est d’abord lié au mode de production prédominant dans les principales filières (canne, palme, soja) : celui des monocultures intensives. La mise en place d’une même culture sur des superficies importantes - des milliers, voire des dizaines de milliers d’hectares - conduit à l’apparition de ce que les militants latino-américains appellent des « déserts verts » : d’immenses paysages uniformisés présentant un appauvrissement drastique de la biodiversité et une vulnérabilité aux maladies. L’exploitation intensive de ces surfaces implique une consommation d’eau à grande échelle par les plantations (irrigation) et/ou par les unités de transformation (12 litres d’eau pour chaque litre d’éthanol de canne à sucre au Brésil), ainsi qu’un recours intensif aux intrants chimiques et, dans le cas du soja sud-américain, aux semences transgéniques.

Le coût environnemental principal des cultures énergétiques ne provient cependant pas tant des pratiques culturales que du « changement d’affectation des sols », de la disparition des environnements naturels à laquelle la mise en place des nouvelles plantations donne lieu directement ou indirectement. Pour rappel, l’expansion agricole serait responsable de plus de la moitié des destructions de forêts dans le monde (Duterme, 2008). Or les agrocarburants sont depuis 2004 responsables de 25 % de l’accroissement des surfaces agricoles (RAC-F, 2008). Les deux champions de la déforestation sont aussi des leaders de la production d’agrocarburants : le Brésil est le premier exportateur d’éthanol au monde et l’Indonésie ambitionne de devenir le premier producteur de biodiesel. Au-delà des forêts tropicales, ce sont les savanes, les prairies naturelles, les zones humides, autant de zones riches en biodiversité, qui sont exposées à l’expansion des cultures énergétiques.

Mais l’aspect le plus sensible politiquement de ce processus massif de changement d’affectation des sols est la libération de carbone dans l’oxygène à laquelle il donne lieu. Les milieux naturels (forêts tropicales ou tempérées, tourbières, savanes, prairies naturelles dans une moindre mesure) constituent des réservoirs de carbone tels que leur remplacement par des cultures agricoles rend le bilan carbone des agrocarburants qui dérivent de ces cultures généralement négatif. Le biodiesel de soja, d’huile palme et l’éthanol de canne qui proviennent d’une culture ayant pris la place d’une forêt tropicale sont respectivement 9 fois, 3 fois et 3 fois plus polluants que le carburant fossile qu’ils remplacent (Lange, 2010). L’empreinte du biodiesel de soja demeure même largement négative quand c’est une savane ou une prairie naturelle qui est remplacée.

Le dossier explosif du CASI

Le changement d’affectation des sols est tantôt direct, quand la forêt ou la savane est rasée pour laisser la place aux plantations, tantôt indirect, lorsque l’activité agricole (culture ou élevage) que remplace la culture énergétique est déplacée et provoque ailleurs la conversion de milieux naturels. T. Searchinger a ainsi pu démontrer que la demande des éthanoliers états-uniens amène leurs compatriotes cultivateurs à planter plus de maïs et moins de soja, contribuant à la hausse du prix international du soja, ce qui stimule les cultivateurs de soja brésiliens à étendre leurs exploitations au détriment de la forêt amazonienne, rendant le bilan carbone de l’éthanol états-unien négatif (2008). Autre exemple : le détournement vers les unités de biodiesel du colza européen précédemment utilisé par l’industrie agroalimentaire amène cette industrie à se tourner vers l’huile de palme, contribuant à la hausse du prix international du produit, ce qui encourage les planteurs de palmiers en Indonésie ou en Papouasie à gagner du terrain sur la forêt primaire, alourdissant gravement le bilan carbone du biodiesel de colza « bien de chez nous ».

Cette réalité du changement d’affectation des sols indirect (CASI ou ILUC en anglais, pour Indirect land use change) limite la pertinence des outils tels que le « zonage agro-écologique de la canne », au Brésil, ou les critères de durabilité de la directive européenne « énergies renouvelables » [13] , qui se limitent à mesurer les impacts environnementaux « au niveau de la plantation ». Le CASI est cependant extrêmement difficile à mesurer – les marchés étant de plus en plus connectés, comment savoir quelles terres seront mises en culture, suivant quelles techniques et avec quel rendement, afin de répondre à la demande initialement satisfaite par la production que remplace la nouvelle culture énergétique ?

Un certain nombre d’initiatives ont cependant été prises depuis 2007, notamment sous la houlette de la Commission européenne, afin de tenter de modéliser le CASI à l’aide de modèles d’équilibre agroéconomiques globaux (Ecofys, 2009 ; CE, 2010). A des degrés divers, les résultats de ces recherches remettent en question le bilan carbone positif des agrocarburants. En novembre 2010, Catherine Bowyer, de l’Institute for European Environmental Policy, a croisé les conclusions de ces travaux sur le CASI avec les plans nationaux de 23 pays européens sur 27 en matière d’énergie renouvelable. Il résulte de ce croisement que le CASI associé à l’usage additionnel d’agrocarburants d’ici 2020 dans ces 23 pays devrait s’élever à entre 4,1 et 6,6 millions d’hectares et entraîner un supplément d’émission de GES d’entre 80,5% et 167% par rapport à l’utilisation de carburants fossiles (Bowyer, 2010).

Parmi les stratégies avancées par les bureaux d’étude, les institutions internationales et les gouvernements afin de réduire le CASI, la plus évoquée est à nouveau celle de la mise en culture de terres « non utilisées » ou « dégradées ». L’avantage serait double : d’une part l’absence d’activité agricole sur ces terres évite le phénomène de déplacement et les émissions de GES qui vont avec ; d’autre part, ces terres présentant généralement de faibles stocks de carbone et une biodiversité réduite, l’implantation de cultures pérennes telles que la canne à sucre, le palmier à huile ou le jatropha pourrait entraîner un plus grande stockage de carbone. Petit détail systématiquement négligé : ces terres dégradées n’intéressent pas les producteurs « réels »...

Civiliser la production industrielle d’agrocarburants ?

Ayant fait l’objet de rapports de plus en plus alarmants de la part des institutions internationtales elles-mêmes, les impacts sociaux et environnementaux désastreux de l’expansion des cultures énergétiques ne peuvent plus être ignorés par les instances publiques qui soutiennent le développement des filières. Mesures en « trompe-l’oeil » et tentatives de « responsabilisation » du secteur l’emportent cependant sur les remises en cause nécessaires.

« Para o inglês ver »

Faut-il le rappeler, les Etats du Sud jouent un rôle actif dans l’expansion accélérée des cultures énergétiques sur leur territoire. Les impacts sociaux et environnementaux négatifs de cette expansion, lorsqu’ils sont reconnus comme tels, sont généralement euphémisés et considérés comme la contrepartie inévitable d’une activité qui repose sur les avantages comparatifs nationaux précieux que sont l’abondance de terre et la main-d’oeuvre bon marché. Et même dans les pays qui disposent d’une législation environnementale et sociale poussée, comme au Brésil, où les militants syndicaux et environnementaux estiment que « la loi brésilienne est bien faite », le consensus « développementiste » qui prévaut au sein de l’exécutif empêche l’adoption d’une attitude stricte vis-à-vis des contrevenants. Plus généralement, les grands producteurs, quand ils n’appartiennent pas directement au clan au pouvoir, disposent de relais politiques puissants au sein des parlements, des gouvernements et des appareils de justice qui bloquent, dénaturent ou amortissent les initiatives susceptibles d’entraver leurs activités.

L’initiative, souvent citée comme modèle, de « zonage agroécologique de la canne à sucre », au Brésil, n’est pas vraiment plus convaincante que la « solution » des terres dégradées. Si elle interdit la plantation de canne dans les biomes de l’Amazonie, du Pantanal et du Bassin du Haut Paraguay, soit 81% du territoire national, elle laisse libre cours à son expansion dans la savane du « Cerrado », une région moins réputée présentant cependant une énorme valeur en termes de biodiversité. Et elle ne tient pas compte des pressions que les activités agricoles déplacées par l’expansion de la canne exercent sur les trois biomes « préservés » (phénomène du CASI). Pour les militants paysans et environnementalistes brésiliens, le zonage existe d’abord « para o inglês ver », « pour montrer à l’Anglais », en d’autres termes pour rassurer les consommateurs occidentaux.

Les illusions de la certification volontaire

Face à la montée des critiques et des mises en garde quant aux effets sociaux et environnementaux de l’expansion des cultures énergétiques, la Commission européenne a de son côté adopté une série de « critères de durabilité » visant à exclure les biocarburants qu’elle n’estime pas « propres ». Trois critiques peuvent être formulées à l’égard de ces critères. Tout d’abord, ils ne concernent que deux dimensions environnementales des impacts relevés [14]. Les problèmes de sécurité alimentaire, d’accaparement des terres et de respect des droits de base des travailleurs et des communautés locales ne sont pas l’objet de critères contraignants [15]. Ensuite, ils ne tiennent (toujours) pas compte de l’aspect crucial du changement d’affectation des sols indirect (CASI), qui déplace les problèmes que l’on croit éviter « au niveau de la plantation ». Ils reflètent enfin la prévalence d’une culture managériale et bureaucratique qui méconnaît les conflits d’intérêts sociaux, économiques et environnementaux, en raisonnant en termes de « bons critères », « de bonnes procédures », de « bons partenariats »...

Dans cet ordre d’idée, un espoir inconsidéré est placé par les Etats européens et certaines ONG dans le développement de systèmes de « certification volontaire » pouvant garantir la durabilité des agrocarburants importés, à l’instar du Forest Stewardship Council (FSC) pour le bois. Plusieurs systèmes internationaux sont déjà opérationnels dans les matières premières visées par l’industrie des agrocarburants, d’autres sont en préparation [16]. L’expérience des systèmes déjà opérationnels – analysée dans les articles de Annie Shattuck et du World Rainforest Movement repris dans cette livraison - laisse penser que la certification n’a qu’un effet marginal sur la pratique des secteurs agro-industriels concernés.

L’ensemble du dispositif est déséquilibré en faveur de ces derniers – depuis la composition du panel de pilotage, où la société civile est sous-représentée, jusqu’à la formulation des critères et des indicateurs de vérification, suffisamment ouverte pour permettre une interprétation souple à l’avantage des planteurs. Ce dernier aspect est d’autant plus problématique que l’existence d’un marché de la certification sur lequel les « vérifiés » contractent leurs « vérificateurs » incite ces derniers à ne pas traiter trop sévèrement leurs futurs clients potentiels. Fallait-il s’attendre à des résultats plus substantiels dans le cadre d’initiative « d’auto-responsabilisation » dont la motivation de base n’est pas le changement en profondeur des conduites, mais l’amélioration de l’image du secteur auprès des consommateurs ?

Et même s’ils étaient appliqués scrupuleusement et permettaient de « civiliser » ces secteurs, en éliminant leurs abus les plus flagrants sur les plans social et environnemental, ces systèmes ne remettraient pas en question, mais au contraire légitimeraient, le modèle des monocultures industrielles tournées vers l’exportation et les impacts négatifs qui lui sont inhérents : concentration des terres et des richesses, perte de souveraineté alimentaire, moindre biodiversité.

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Notes

[1Leur implication est cependant plus grande que ce pourcentage ne laisse penser. Il ne concerne en effet que l’étape finale de la chaîne de production - la transformation en carburant - et ne reflète donc que partiellement les dynamiques productives et territoriales en jeu. D’une part, une partie (minoritaire) des agrocarburants produits en Europe le sont à partir de matières premières importées des pays du Sud (huile de palme, soja). D’autre part, une partie (importante) des produits agricoles européens « détournés » du secteur alimentaire vers le secteur énergétique est remplacée par des importations de produits agricoles de pays du Sud. L’augmentation « réelle », bien qu’indirecte, de la production agricole a alors lieu dans ces pays.

[2Les productions malaisiennes et indonésienne de biodiesel ont baissé en 2009 suite au rebondissement du prix de l’huile de palme sur le marché mondial (+75% entre décembre 2008 et juin 2009).

[3D’après le « zonage agroécologique de la canne à sucre » adopté en septembre 2009 par le gouvernement brésilien.

[4Arbuste originaire d’Amérique centrale dont les graines oléagineuses peuvent être pressées pour produire du biodiesel.

[5Hormis l’éthanol brésilien, du moins lorsque les cours du sucre ne s’envolent pas

[6Citons, à titre d’exemples, les objectifs 5% éthanol et/ou 5% biodiesel en 2010 adoptés en Colombie, en Argentine, aux Philippines, l’objectif 7,8% éthanol au Pérou, l’objectif 10% en 2012 en Thaïlande, l’objectif 4,5% en 2013 en Afrique du Sud, l’objectif 20% en 2017 en Inde, etc. Le Brésil, pays pionnier en matière d’agrocarburants, est de très loin le plus grand consommateur en valeur relative à l’échelle mondiale : grâce à l’incorporation obligatoire de 25% d’éthanol à l’essence, à la diffusion des voitures « flex-fuel » permettant de rouler avec n’importe quelle proportion d’éthanol (de 0 à 100%) et au bas prix de l’éthanol, la consommation d’éthanol a atteint les 50% au premier semestre 2008. Elle est repassée sous la barre des 50% par la suite, du fait du renchérissement de l’éthanol lié à l’envol des cours du sucre.

[7Retraçant l’histoire du programme pionnier « Pro-alcool » au Brésil, Ariovaldo Umbelino de Oliveira montre bien dans ce numéro combien le rôle volontariste des pouvoirs publics à tous les niveaux de la filière éthanol explique l’avantage stratégique pris par les Brésiliens sur le reste du monde dans cette branche.

[8Nous ne tenons pas compte ici du commerce intra-européen.

[9Cette hausse est exacerbée par des comportements spéculatifs de court terme de la part de fonds financiers ayant déserté les valeurs immobilières, tout comme de pays voulant augmenter leurs stocks par crainte de pénurie.

[10Cette hausse est exacerbée par des comportements spéculatifs de fonds d’investissement en quête de placements « sûrs », ainsi que d’Etats (asiatiques et moyen-orientaux en particulier) désireux d’externaliser une partie de leur production, les uns et les autres pressentant des pressions durables à la hausse sur la demande de terres cultivables (car croissance des besoins alimentaires et énergétiques) et à la baisse sur l’offre (car l’urbanisation croissante et les changements climatiques arrachent des dizaines de millions d’hectares de terre à la production agricole chaque année).

[11Les institutions en question ayant au préalable rappelé la priorité que les cultures alimentaires doivent conserver sur les cultures énergétiques.

[12Nous ne nous étendrons pas ici sur les dimensions sociales de l’agriculture capitaliste au Sud. Les contributions de ce numéro montrent amplement que d’une part, les monocultures industrielles sont nettement moins intensives en emplois que l’agriculture familiale (voir texte de Eric Holt Giménez et Annie Shattuck) et que d’autre part, les conditions de travail y sont généralement déplorables (voir en particulier le texte de Francisco Alves sur les mécanismes de surexploitation des ouvriers coupeurs de canne à sucre dans les plantations de la région de São Paulo au Brésil).

[13La directive 2009/28/CE « énergies renouvelables » prévoyait qu’un rapport sur l’impact du CASI sur les émissions de gaz à effet de serre et les moyens de réduire cet impact au minimum soit présenté par la CE au Parlement le 31 décembre 2010 au plus tard, avec le cas échéant une méthodologie concrète à appliquer. Le rapport publié par la CE le 21 décembre 2010 admet que le CASI peut atténuer les réductions d’émissions de GES associées aux biocarburants, mais renvoie à juillet 2011 l’adoption d’une prise de position sur la question, suite aux diverses insuffisances et incertitudes associées aux modèles disponibles.

[14Les dimensions du bilan carbone de l’agrocarburant (qui doit être de 35% inférieur à celui de l’équivalent fossile) et de la préservation des milieux naturels présentant une grande biodiversité ou un important stock de carbone au 1er janvier 2008 (article 17 de la directive « énergies renouvelables »).

[15L’argument, recevable, avancé par les promoteurs de la directive européenne est que ces critères auraient été attaqués par les grands pays du Sud dans le cadre de l’OMC.

[16La « Roundtable for Sustainable Palm Oil » (Huile de palme), la « Roundtable for Responsible Soy » (Soja) et la « Better sugarcane initiative » (Canne à sucre). Un système de certification portant sur l’ensemble des filières agrocarburant est en voie de finalisation : la « Roundtable on sustainable biofuels ».

Agrocarburants : impacts au Sud ?

Cet article a été publié dans notre publication trimestrielle Alternatives Sud

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