Nous sommes le 10 décembre 2017, le jour de la victoire écrasante aux élections municipales du PSUV, le parti du gouvernement. Le Président Nicolas Maduro menace explicitement ses opposants en pleine déconfiture électorale : « Tout parti qui n’a pas participé aujourd’hui et a appelé au boycott des élections ne peut plus participer… Ils ne pourront pas participer et disparaîtront de la carte politique [2] ». De nombreux médias ne tardent pas à relever les menaces du président en les interprétant comme la volonté du pouvoir d’interdire à l’avenir l’opposition politique à son gouvernement.
Une déclaration hors-la-loi
Par ses propos, le président Maduro sort de son rôle constitutionnel et profère des menaces sans aucune base légale. La Ley de Partidos Políticos, Reuniones Públicas y Manifestaciones (LPPRPM), adoptée en 2010 par la majorité oficialista [pro-gouvernemental] au Parlement, semble très claire. [3]
Les partis politiques sont des « regroupements permanents dont les membres conviennent de s’associer pour participer à la vie politique du pays [4] » (Art. 2 LPPRPM). Nulle part il n’est précisé qu’un parti doit participer à un scrutin pour garder son droit à concourir au suivant. Par contre, il peut perdre son statut s’il a cessé de participer à des élections au cours de deux périodes constitutionnelles successives (Art. 32 LPPRPM), à savoir deux législatures, qui sont de cinq ans au Venezuela.
Une loi sur mesure et … rétroactive
La loi ne pouvant servir les intentions du président, il lui suffit d’en faire adopter une autre et ainsi changer les règles a postiori. Le 20 décembre, avec la promptitude qu’on lui connaît, l’Assemblée nationale constituante (ANC) s’exécute et adopte un « décret loi » [5] qui oblige les organisations politiques qui n’ont pas participé au dernier scrutin à « se revalider » auprès de l’arbitre électoral, le CNE. Sans quoi elles ne pourront pas prendre part au prochain scrutin.
Présenter des candidats n’est donc plus un droit, comme le garantit la Constitution (Art. 67 CRBV) mais une obligation « afin d’éviter des actions de rejet et de boycott dans l’exercice du droit de l’homme au suffrage et au système des partis » (sic). Les juristes apprécieront, la loi est rétroactive : cinq organisations sont pénalisées pour une faute qui au moment où elle a été commise n’en était pas une.