Une ère de plus de quarante ans de populisme autoritaire se referme en
Libye. Appuyée sur une dynamique populaire, la contestation qui a mis fin
au pouvoir de Kadhafi s’inscrit dans le prolongement des mouvements
protestataires du « printemps arabe », et dans le temps long d’un profond
bouleversement à l’échelle de l’ensemble du monde arabe. Cependant, en
Libye, la contestation s’est manifestée avec une singularité qui va au-delà
d’une simple déclinaison locale de ces mouvements. Au contraire de la Tunisie,
de l’Égypte, du Yémen ou même de la Syrie, la contestation a connu une
militarisation forte et rapide, alors que le développement inattendu pris par
la guerre civile a ouvert la voie à l’intervention des puissances occidentales.
La militarisation du conflit, en entravant le développement d’une mobilisation
démocratique et civile, a jeté de fortes incertitudes sur les perspectives de
démocratisation du pays. Non seulement l’intervention étrangère a-t-elle des
conséquences géostratégiques majeures pour le pays et son environnement
régional – comme l’illustre la situation au Nord Mali – mais, en interférant
dans le processus de reconstruction nationale et de production identitaire,
elle constitue également un facteur de perturbation des possibilités d’une
transition démocratique.