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Burundi : au delà du débat constitutionnel

Sourd aux avertissements émanant aussi bien de la société civile, de ses collègues ex-présidents, de l’Eglise catholique, d’une partie de l’armée et des services de renseignements, le président Nkurunziza est allé de l’avant, habité par la foi selon ses partisans, autiste selon ses adversaires. Cette obstination dépasse aujourd’hui le cas de sa personne, elle risque de ramener le Burundi au bord de l’abîme. Ce gouffre d’où les accords d’Arusha, conclus en 2000 sous la houlette de Nelson Mandela l’avaient tiré après des années de négociations extraordinairement délicates. Dans les années qui suivirent, on put, avec prudence, parler de « miracle burundais » : les clivages et les haines ethniques, qui avaient provoqué le « génocide sélectif » des intellectuels hutus en 1972, engendré le cycle des tueries, des assassinats et de la répression (Ntega Marangara en 1989, l’assassinat du président hutu Melchior Ndadaye en 1993) semblaient reculer progressivement, céder la place à des rivalités strictement politiques, à des élections tenues à intervalles réguliers, à des alternances et des partages du pouvoir…Ces quinze années de reconstruction, qui avaient aussi permis au Burundi de devenir un acteur de paix, pourvoyeur de Casques bleus en Somalie et en Centrafrique, vont-elles être jetées aux oubliettes à cause de l’obstination d’un homme cerné sinon manipulé par une poignée d’irréductibles ? Si la crise actuelle ne se dénoue pas rapidement, les risques font froid dans le dos. Car tous les Burundais, Hutus comme Tutsis, sont encore hantés par la peur de l’autre, par le souvenir de la mort ou de l’exil, marqués par la relative impunité des assassins. Leur « vivre ensemble » n’est encore qu’un équilibre fragile, garanti par des accords qui risquent aujourd’hui d’être jetés aux oubliettes. Il ne faudrait pas grand-chose pour que les démons de la haine ethnique, si patiemment conjurés, ne resurgissent, réactivés par de cyniques manipulateurs. Et dans ce cas, la poudrière burundaise, à nouveau rallumée, mettrait le feu à toute la sous-région et obligerait les voisins à se transformer en pompiers et/ou pyromanes. On est ici bien au-delà de la polémique constitutionnelle et du juridisme : ce qui se joue est une question de vie et de mort, pour une démocratie fragile mais surtout pour des citoyens en danger.


Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.

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