Depuis trois mois, les habitants de Jerada ne décolèrent pas. Le 22 décembre dernier, la mort de deux frères, Houcine et Jedouane Dioui, dans un puits de mine de charbon déclenchait des manifestations dans cette ville du nord-est marocain déjà secouée par une lutte contre la cherté de l’eau et de l’électricité. Au fil du temps, les rassemblements ont évolué vers un mouvement de contestation durable et ininterrompu.
Selon Youssef Raissouni de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), il demeure le seul mouvement « continu » du pays, traversé par de profondes tensions sociales. Les manifestants de Jerada réclament une alternative économique afin que les habitants, durement touchés par le chômage, ne risquent plus leur vie dans les puits clandestins. À la fin des années 1990, en effet, le centre minier fermait ses portes, ne leur laissant d’autre choix que de travailler dans ces puits et de vendre le charbon à un prix dérisoire aux « barons du charbon » qui disposaient de permis distribués par l’État.
Craignant une contagion de la contestation, les autorités ont rapidement reconnu la légitimité des revendications et annoncé début février des mesures telles que l’interdiction des permis illicites d’exploitation, le lancement de projets agricoles, ou encore une prise en charge pour les anciens mineurs malades. Mais le 10 mars dernier, deux leaders du mouvement, Amine Mkallech et Mustapha Dainane étaient arrêtés, officiellement pour un accident de voiture survenu deux jours auparavant. Le 13 mars, le ministère de l’intérieur interdisait tout rassemblement « non autorisé ». Le lendemain, des milliers de personnes bravaient cette interdiction, et des affrontements avec les forces de l’ordre faisaient des dizaines de blessés. Depuis, près de soixante personnes auraient été arrêtées, d’après l’AMDH. « L’État répond par la répression aux manifestations pour les revendications économiques et sociales du fait de son incapacité à satisfaire ces demandes et de sa persistance à mener une politique économique qui aggrave les inégalités », ont déclaré dans un communiqué conjoint la Fédération de la gauche démocratique (FDG), l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et la Fédération nationale de l’enseignement (FNE).