C’est du plus profond de la désagrégation de la société, de cette partie de l’Argentine sacrifiée sur l’autel du néolibéralisme, qu’ont émergé à partir de 1996-1997 de nouvelles formes de protestation et de mobilisation. L’apparition d’une série de mouvements piqueteros, essentiellement composés de sans-emploi, projetés sur la scène nationale par l’organisation de piquets et de barrages routiers, s’inspire à la fois d’expériences communautaires récentes et de l’action territoriale et organisationnelle de tradition plus lointaine. Le mouvement pâtit aujourd’hui du souhait généralisé au sein des classes moyennes d’un retour à la « normalité institutionnelle », bien compris par l’administration Kirchner qui s’est attelée à une double politique de cooptation-intégration des composantes « populistes » de la nébuleuse des piqueteros et de stigmatisation-répression-judiciarisation de ses composantes plus radicales ou plus autonomes. En dépit de leur fragmentation et de leur représentativité entamée, des acteurs sociaux importants continuent aujourd’hui, entre la rue et les quartiers, de développer des pratiques novatrices et révolutionnaires.
Cet article a été publié dans notre publication trimestrielle Alternatives Sud