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Nicaragua

Amaya : un Prix piège ?

Si la reconnaissance et la célébration mondiales du courage de la leader étudiante Amaya Coppens Zamora dans son combat pour libérer le Nicaragua du régime Ortega-Murillo réjouissent celles et ceux qui, comme le Centre tricontinental, la soutiennent, le prix « Women of Courage 2020 » que vient de lui décerner à Washington le secrétaire d’État de Donald Trump, Mike Pompeo, flanqué de l’épouse du président, interpelle. Par l’abyssal contraste politique qu’il met au jour. Contraste entre l’activiste nicaraguayenne, foulard féministe noué au poignet, et l’administration états-unienne sans doute la plus sexiste, raciste, suprémaciste et climatosceptique de ces dernières décennies, dont les politiques se situent précisément aux antipodes des idéaux égalitaires et écologistes de l’Articulation des mouvements sociaux (AMS) dont Amaya fait partie au Nicaragua.

Sans revenir ici sur l’histoire désastreuse de l’hégémonie nord-américaine dans l’Amérique centrale des « républiques bananières » tout au long du 20e siècle – pillage économique par dictatures militaires interposées –, il convient de rappeler que les politiques néolibérales, conservatrices et répressives menées ces dernières décennies dans la région – y compris, avec zèle, par les gouvernements Ortega-Murillo depuis 2007 – restent surdéterminées par l’emprise du FMI et des États-Unis sur leur « arrière-cour ». Malgré sa participation à l’Alliance bolivarienne des Amériques (ALBA), le pouvoir ortéguiste a été soutenu, félicité et récompensé par son principal partenaire commercial (plus de 50% des importations et des exportations du Nicaragua s’opèrent avec les États-Unis) pour la stabilité sociale, la fermeté migratoire et l’ouverture économique (comprenez exonération fiscale, sociale et environnementale des investisseurs nord-américains et des grandes fortunes) qu’il lui assurait.

Depuis 2018 et l’inattendue répression (plus de 300 morts en quelques mois) que le régime Ortega-Murillo a infligée à la révolte massive qui demandait sa destitution, les alliés fonctionnels du gouvernement nicaraguayen – les fédérations patronales, la haute hiérarchie catholique et les États-Unis – ont fini par changer de camp, assimilant désormais le couple présidentiel et ses sbires à une « tyrannie », qui plus est « sandiniste », en référence à leur ancienne et révolue idéologie révolutionnaire.

Voilà donc Amaya, l’Articulation des mouvements sociaux et leur cause hautement légitime (libérer le Nicaragua de l’ortéguisme) instrumentalisées par le clan Trump. Clan Trump dont l’objectif en ce qui concerne ce petit pays d’Amérique centrale, le plus pauvre du continent après Haïti, est de s’assurer que l’éventuel successeur du président actuel soit aussi favorable aux intérêts nord-américains que ce dernier l’a été. « De l’ortéguisme sans Ortega » en somme… ou la perpétuation du « modèle entrepreneurial de consensus » qui a prévalu sans interruption depuis 1990. C’est également le souhait des fédérations patronales nicaraguayennes, ex-alliées d’Ortega, qui figurent en bonne place au sein de la nouvelle « Coalition nationale », bénie elle aussi par Trump et Pompeo, pour tenter de remporter les élections de 2021.


Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.

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